Le château de Bussy-Rabutin c’est l’harmonie d’une architecture Renaissance et XVIIème éblouissante, un parc de 12 hectares de jardins à la française en gestion « eco-responsable », des plafonds et poutres peints qui évoquent tant la littérature et l’amour que les affres de la guerre. Ce soir, façades et tours se sont parées d’une danse multicolore et raffinée comme les éventails des Dames qui, autrefois, s’alanguissaient sous les arbres du parc.
Si le nom de Roger de Rabutin est parvenu jusqu’à nous, ce n’est pas uniquement en raison de sa parenté avec l’envoutante Marquise de Sévigné dont il reste le parfum de ces fabuleuses correspondances épistolières échangées avec le comte. Non !
Écrivain, satirique et libertin français né le 13 avril 1618 à Saint-Émiland en Saône-et-Loire, Roger de Bussy-Rabutin est décédé le 9 avril 1693 à Autun. Outre l'Histoire amoureuse des Gaules et le discours prononcé, le 1 janvier 1665, lors de sa réception à l'Académie française, Bussy-Rabutin laisse sept volumes de lettres et divers autres ouvrages.
Roger, comte de Bussy Rabutin écrivit autant qu’il se battit. Ce militaire et coureur de jupons invétéré a toujours eu le don de mettre les pieds dans le plat et fut à l’origine d’une sulfureuse affaire qui lui valu l’embastillement, puis, un an plus tard, la conversion de cette sentence en un exil perpétuel dans ses terres de Bourgogne.
Autant dire…le bout du monde !
Mais le comte de Bussy dérange. Il a beaucoup d’ennemis, dont le puissant cardinal Mazarin...qui lui écrivit :
"Monsieur le comte de Bussy-Rabutin,
Étant mal satisfait de votre conduite, je vous fais cette lettre pour vous dire qu’aussitôt que vous l’aurez reçue vous ayez à partir de ma bonne ville de Paris et à vous acheminer incessamment en votre maison en Bourgogne et à n’en point partir que vous n’en aurez permission expresse de moi. (…)"
Le château du comte Roger de Bussy Rabutin, au creux dans un vallon de frais, au flanc de collines douces et sauvages de l'Auxois, est l’un des deux monuments bourguignons, avec l’abbaye de Cluny, ouverts à la visite et placés sous la responsabilité du Centre des Monuments Nationaux.
Il rayonne dans son écrin de jardins tirés au cordeau, entourés de ses douves et bassins. Une blancheur dont Charlette Morel-Sauphar a animé les façades, les colonnes et les sculptures de ses gravures étirées, allongées, plaquées contre les pierres séculaires…
Elle éveille … réveille… ainsi l’architecture par un regard contemporain, coloré et sensible pour inviter l'oeil et l'esprit à une déambulation hors du temps… immatérielle.
Elève de l’école des Beaux Arts de Mâcon en gravure, sculpture et calligraphie chinoise, Charlette Morel-Sauphar pratique en même temps, la gravure expérimentale. Tout au long de son parcours, elle emploie, maitrise et s’adonne à la création pour sortir cette pratique artistique qu’est la gravure, de « son ghetto pour initiés ».
En 2001, elle la met au centre d’un nouveau concept : la diastampe. La gravure n’est plus objet mais « pellicule » diffusée à travers le vidéoprojecteur.
L’Institut National pour la Propriété Industrielle lui délivre le 16 février 2001, un brevet d’invention pour Diastampe (procédé de fabrication de gravure projetée) et dépôt de marque.
Elle enlumina de ses créations les grandes élévations millénaires du grand transept roman de l’abbatiale Cluny, mais aussi la cathédrale Saint-Vincent de Chalon-sur-Saône, l’église Saint-Pierre de Mâcon ainsi que des monuments à Genève et en Israël.
« Je pense que les oeuvres d’art peuvent montrer que l’esprit ne s’arrête pas là où l’on croit, et que l’environnement dans lequel on vit ne s’arrête pas là où l’on croit qu’il s’arrête. L’esprit et l’environnement sont une seule et même chose ; mon art est d’essence méditative : dans le territoire de l’art on ne s’affirme pas, c’est le territoire du jeu et des hypothèses. La méditation artistique est donc par essence interrogative, méditative ».Charlette Morel-Sauphar
La visite du château s’est faite à la nuit tombée. Les salles, sublimées par ces éclairages ont retrouvé, le temps d’un soir, leur atmosphère originelle. La galerie des portraits craque de ses parquets cirés.
Et comme nous ne sommes plus que deux visiteurs pour qui on a, avec courtoisie et gentillesse, réouvert les portes silencieuses… la visite se fait à la seule lueur d’une petite lampe.
Les langues se délient et sous le regard de Louis XIV qui ne pipe mot, on évoque les petits matins d’hiver quand il ne fait pas bien clair et que, sans savoir pourquoi, on se demande bien qui est là à écouter ou épier les premiers pas du jour. On en frissonne un peu, car parfois, mais seulement parfois, on n’est pas tout à fait tranquille malgré tout.
Les murs ont une âme… c’est bien sûr… Et ce soir, ceux de Bussy se sont parés de dentelles étranges et dansantes, de couleurs étonnantes transcendées par la lumière et la nuit, sous un ciel dont Molière eût dit « il fait noir comme dans un four, et le ciel s’est habillé ce soir en Scraramouche ».
Si nous pouvions y joindre le son, je vous convierais à l'écoute de Lully pour feuilleter ensemble ce petit recueil !
« La faiblesse de craindre les comètes n'est pas moderne. Elle a eu cours dans tous les siècles, et Virgile, qui avait tant d'esprit, a dit qu'on ne les voyait jamais impunément » Lettres, à Madame de Sévigné, 8 janvier 1681
Crédit photos Marie Quiquemelle
m.quiquemelle@echodescommunes.com