Chenôve est une ville fantastique !

06 décembre 2015

Etiquetée banlieue sensible de Dijon, Chenôve est pourtant toute autre aux yeux de son nouveau maire Thierry Falconnet. Lucide sur les réalités économiques de la commune (chômage, peur du déclassement social, précarité sont une réalité), l’élu souligne aussi la richesse du tissu associatif, la vitalité des actions culturelles et sociales dans ce « laboratoire » de dispositifs d’insertion. Son rêve ? Voir Chenôve s’émanciper, reprendre sa place au sein de l’agglomération dijonnaise et sortir un jour de la politique sociale de la ville.

 

 

 

Fraîchement élu maire, Thierry Falconnet est loin d’être un novice en politique : militant de gauche depuis l’âge de 20 ans, ancien premier adjoint, il s’est installé à Chenôve à la demande de Roland Carraz, dans un contexte difficile, la défaite de ce dernier aux législatives de 1993. « Cela a été un vrai cataclysme, se souvient Thierry Falconnet. Deux ans avant les municipales, et contre l’avis de tous les pronostics, Roland Carraz perd à 83 voix. Et il est en danger à Chenôve ! » Parade immédiate : le charismatique maire de la commune, réélu depuis 1977, décide de se recentrer sur sa ville et de rajeunir son équipe. C’est ainsi que Thierry Falconnet vient s’installer à Chenôve, « honoré » (il est à l’époque prof en lycée professionnel) qu’un personnage comme Roland Carraz le coopte. En 1995, Carraz réélu, le voilà Adjoint à la solidarité.

 

Thierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communesChenôve est à l’époque un exemple finalement assez banal de la manière dont les politiques urbaines sont parvenues à transformer une paisible bourgade vigneronne en une « banlieue », destinée à absorber l’afflux de population attirée par les perspectives d’emploi à Dijon : la commune passe de moins de 4 000 habitants en 1954 à plus de 21 000 en 1977 ! Le « grand ensemble », - les quartiers populaires de la ville – accueillent alors des travailleurs venus des communes rurales et issus de l’immigration. « Et tout se passe bien, raconte Thierry Falconnet. Car le syndicalisme ouvrier, le réseau de la gauche chrétienne, l’école jouent chacun à leur façon leur rôle d’intégration » dans un contexte d’emploi au beau fixe. Mais tout se gâte avec la montée du chômage, les premiers heurts communautaires… « En 1994, se souvient Thierry Falconnet, Chenôve est dans une vive tension sociale : contexte de délinquance urbaine, chômage important en particulier chez les jeunes… » Réélu, Roland Carraz organise une étude en vue d’une rénovation urbaine et le diagnostic n’est guère brillant : les quartiers populaires sont enclavés, il n’y a pas de circulation, et les barres d’immeubles, symboles de réussite pour des milliers de familles modestes dans les années 60, deviennent les stigmates d’une société qui ne peut plus offrir la stabilité économique à ses habitants et où l’espoir d’un futur meilleur fait place au mieux à la résignation, au pire à la révolte ou à la violence. « Et pourtant, souligne Thierry Falconnet, on est ici dans une ville laboratoire de la gauche sociale ! Ne pas oublier que c’est à Chenôve qu’a été mis en place un revenu minimum communal, qui deviendra le RMI au niveau national, que les étudiants bénéficient d’un Revenu minimum étudiant, que Chenôve est au cœur des dispositifs de la politique de la ville… » Il est décidé d’agir sur le cadre bâti : démolition d’immeubles, aération du quartier, révision du plan de circulation… : autant de préconisations qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui et dont l’objectif avoué est de rééquilibrer sociologiquement la ville en proposant une diversité de l’offre immobilière et locative. Sans oublier Le Cèdre, la salle culturelle de Chenôve, qui participe à ce que Jean Esmonin, successeur de Roland Carraz et à qui succède Thierry Falconnet appelait « La révolution urbaine tranquille ». « Je passe après deux grands maires, analyse ce dernier. Roland Carraz était le visionnaire, Jean Esmonin le bâtisseur. J’espère être digne de cette lignée et prendre un peu des deux durant mon mandat ».

 

Thierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communesAssocier les habitants

La touche de Thierry Falconnet, ce sera peut-être une place plus importante au dialogue, puisque l’élu estime que la transformation radicale de leur cadre de vie a été faite sans réelle association de ses habitants. « Ce qui ressortait des discussions avec les Cheneveliers, c’était le sentiment de dépossession, de décisions prises dans concertation, d’un pouvoir notabiliaire qui ne traite pas les vrais problèmes à savoir d’abord celui de l’emploi… » Rien d’étonnant que cette fibre humaniste : aujourd’hui inspecteur de l’Education Nationale où il a fait toute sa carrière, Thierry Falconnet se désole que l’école ne remplisse plus son rôle d’intégration et que la méritocratie comme l’ascenseur social semblent définitivement en panne. « Il est statistiquement handicapant pour espérer réussir d’être né dans un quartier de politique de la ville, encore plus si l’on est issu de l’immigration. C’est révoltant. » Concilier l’héritage de ses prédécesseurs avec cette volonté de concertation qui prenne en compte les attentes des habitants, voilà aujourd’hui l’enjeu du mandat de Thierry Falconnet qui s’est fixé plusieurs objectifs : poursuivre la politique de solidarité avec les plus défavorisés et les personnes dépendantes (on évoque notamment la construction de logements protégés pour personnes âgées isolées) ; poursuivre le plan de renouvellement urbain avec la démolition de la tour Renan n°12 ; envisager les projets à l’aune de la tranquillité publique ; poursuivre la politique en matière scolaire (NAP) ; maintenir une offre culturelle de qualité ; renforcer la proximité des élus avec la population (« nous serons moins dans les journaux et plus dans les rues de Chenôve ») ; offrir un fonctionnement plus démocratique de l’appareil municipal, « en associant l’opposition républicaine aux décisions dans un souci de transparence » ; travailler sur l’identité numérique, la dématérialisation des actes administratifs tout en réduisant la fracture numérique à commencer par les équipements des écoles… De vastes chantiers, mais n’est-ce pas un peu décourageant d’être maire d’une ville qui semble définitivement cataloguée « banlieue » (avec ce que le mot contient de péjoratif) de Dijon ? La question fait s’enflammer Thierry Falconnet. « Pour un maire progressiste, qui croit en l’homme, Chenôve est une ville fantastique ! Avec un tissu associatif d’une grande richesse et où la solidarité – on l’a vu lorsque nous avons annoncé que la ville accueillerait des migrants – n’est pas un vain mot ! Nous sommes une ville populaire, avec cette identité forte, et bien il ne faut pas lutter et faire ici un laboratoire de personnes fières et véritablement désireuses de vivre en harmonie et non pas côte à côte. Redonner à Chenôve sa place dans l’agglomération dijonnaise grâce à une vision progressiste et des projets qui émancipent la commune. Et je vais vous étonner : je voudrais que dans un horizon d’une dizaine d’années, Chenôve sorte de la politique sociale de la ville. Alors là on pourra dire qu’avec mon équipe, on a bien travaillé. »

 

Thierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communesChenôve se tourne vers le futur

Paisible village vigneron jusqu'au XIXe siècle, Chenôve a ensuite accompagné l'essor des transports en commun en accueillant plusieurs quartiers dédiés aux employés de la SNCF. Après-guerre, son  visage va totalement changer avec la construction en masse de HLM destinées à la main d'œuvre rurale et immigrée attirée par l'emploi promis par Dijon. Travailler pour le bien commun pour ces populations à l'histoire et aux aspirations très différentes dans un contexte de crise économique : tel est aujourd'hui l'enjeu pour le maire Thierry Falconnet et son équipe.

 

 

Dites "Chenôve" et il est fort à parier que les mines vont se crisper : la commune voisine de Dijon est trop souvent, associée à l'incivilité, les dégradations, le chômage. Des réalités qu'il ne faudrait pas passer sous silence mais réduire Chenôve aux pages des faits divers serait finalement un cliché de plus. Il suffit pour s'en convaincre de se balader dans le "vieux" Chenôve où des détails architecturaux sur les façades, le calme des ruelles proposent un tout autre visage de la commune. Place du monument aux Morts, le maire Thierry Falconnet rappelle que ledit monument a été déplacé il y a une dizaine d'années, dégageant une aire où les habitants aiment à se retrouver lors des commémorations. "Elles sont très suivies" assure l'élu. Non loin, une stèle autour de laquelle poussent des rosiers Résurrection, créés pour évoquer le souvenir des déportées de Ravensbrück, démontrent à quel point l'espace se veut lieu de mémoire.

 

Thierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communesThierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communes

 

Une mémoire qui peut être plus riante, tant ici, les maisons se lèguent volontiers de génération en génération et les Fêtes de la pressée, en septembre, rassemblent les habitants du vieux bourg en tenue folklorique non loin des célèbres pressoirs des Ducs de Bourgogne (13e siècle). Cette manifestation rappelle aussi que Chenôve est la première commune de la route du vin (en appellation Marsannay). Il est à parier que lorsqu'on habite le vieux bourg, on n'oublie pas de le préciser dans la conversation...

 

Thierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communesA quelques minutes en visant le haut de la colline, entre forêt et plaine "d'altitude", la structure de loisirs du plateau offre aux enfants un espace sécurisé et équipé (accrobranches, jeux...) et des animateurs pendant les congés scolaires. Quant aux promeneurs, sportifs ou non, ils trouvent à quelques minutes du centre-ville l'espace et l'air pur. A Chenôve, oui !

Auparavant sise au centre de ce vieux bourg, la mairie a été déplacée à équidistance du village originel et des "nouveaux" (on est au XXe siècle !) quartiers cheminots par le maire d'alors, qui a souhaité que la maison commune fasse le lien entre anciens et nouveau habitants. Il faut imaginer qu'à cette époque, elle est entourée de vergers, de champs et de jardins, là où aujourd'hui se trouvent les immeubles du grand ensemble où nous conduisent nos pas. Au hasard de la balade avec le maire, entre les tours, on tombe sur de (nombreux) habitants, fiers de saluer leur édile; une résidente qui lui rappelle la situation désastreuse d'une voisine sans papiers; un jeune homme un peu énervé par notre présence. "Il y a une logique de territoire ici" analyse Thierry Falconnet qui connaît par cœur la situation sociale de sa ville, liée avant tout selon lui à la crise économique.

 

 

 

 

Thierry Falconnet. Ville de Chenôve. Echo des communesDans ce domaine, la commune n'est pas à un paradoxe près : confronté à un chômage endémique  (8643 emplois salariés et non-salariés pour une population de 13 959 habitants, 18,71% de chômeurs dans la tranche 15-64 ans)*, elle accueille aussi une zone d'activités économique où on trouve par exemple tous les concessionnaires auto, même les plus prestigieux : "Les Portes du Sud" compte 2 500 entreprises et représente 18 000 emplois.

 

Déterminée à jouer son rôle dans les années à venir au sein du Grand Dijon (c'est un des objectifs du mandat de Thierry Falconnet), la commune aligne d'autres atouts : une desserte par le tram, une refonte de son parc urbain avec des programmes d'accession à la propriété par des promoteurs privés, un centre culturel de qualité (Le Cèdre) qui accueille des artistes nationaux et internationaux tout en proposant aussi de l'initiation aux pratiques musicales de haut niveau. Alors certes, du chemin reste à faire, les dispositifs d'aide au retour à l'emploi prennent du temps pour donner leur fruit, mais Thierry Falconnet s'est fixé comme objectif de faire sortir sa commune des programmes de politique de la ville. Histoire que Chenôve montre un autre visage, dynamique, métissé, où les réalités quotidiennes et la mémoire de la commune deviennent un atout plutôt qu'un handicap.

 

 

Article rédigé par Emmanuelle de Jésus, Agence Proscriptum, pour l'Echo des communes

Photos Echo des communes / Ville de Chenôve

 

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* Chiffres INSEE 2012

 

 

 

 

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