Loi N.O.T.Re : Une fiscalité incitative pour les EPCI, Option ou Obligation ?

28 octobre 2015

Augmentation des compétences, baisse des dotations de l'Etat et réorganisation des frontières à travers le nouveau schéma départemental de coopération intercommunale,  il n'y pas un maire ou un président d’EPCI qui ne se pose la question de savoir comment équilibrer les budgets dans les 5 années qui viennent… et comment perdre le moins possible d’argent !

A la demande de Catherine LOUIS, maire de Val-Suzon, Présidente de la Communauté de communes Forêts Seine et Suzon, Patrice RAYMOND, Maître de conférence en Droit Public, Codirecteur de l’Institut supérieur des Territoires, Directeur du Master 2 professionnel "Finances des collectivités territoriales et des groupements" et comme il aime à le rappeler, adjoint à la commune de Chaignay,  a présenté aux élus du territoire de l'EPCI un aperçu de la loi N.O.T.R.e  votée le 7 août 2015 mais surtout ses conséquences sur la fiscalité des EPCI.

 

Les questions que se posent les maires et présidents d’EPCI à fiscalité propre sont celles-ci :

 

Tous les leviers fiscaux et financiers à disposition de ma collectivité ont-ils été mis en œuvre pour bénéficier le mieux possible des dotations de l’Etat ?

Comment trouver des ressources complémentaires sans solliciter par principe mes administrés ?

La forme fiscale de l’EPCI au sein des quatre formes possibles est-elle bien celle la plus adaptée aux missions de l’EPCI que je préside ?  

 

L'objectif atteint de cette conférence était de répondre à ces questions.

 

 

 

LE PASSAGE EN FISCALITÉ PROFESSIONNELLE UNIFIÉE (FPU) EST-ELLE

UNE OPTION OU UNE OBLIGATION ?

 

 

 

 

LE CONTEXTE …

 

Il est important de comprendre les bouleversements actuels des communes et des EPCI : que se passe-t-il depuis 15 ans ?

 

La construction de l’Union européenne passe actuellement à une vitesse supérieure. 

Les réformes européennes sont résolument orientées vers la mise en place des premières bases d’une Europe fédérale des régions. Tout comme tous les autres Etats membres, l'Etat français dont la forme est unitaire et souveraine depuis 1790 doit s’adapter à ce fédéralisme européen s’il souhaite peser dans les décisions prises à cet échelon. C’est cette transformation en un Etat « Régional et Territorial » qui a des conséquences historiques sur nos collectivités. On assiste ainsi à l’émergence de deux échelons territoriaux de base que sont la « Région » et l' « Intercommunalité ».

 

Depuis 15 années se succèdent au gré des échéances électorales et dans une cohérence à couper le souffle, de nombreuses lois qui se complètent les unes aux autres. A ce titre, la loi NOTRE, adoptée courant août de cette année couronne un vent de réformes, mené tambour battant, tant sur le terrain que financier qu’institutionnel. Elle vient poser la dernière composante du fameux Acte III de la décentralisation.

 

Cette loi impose aux communes et Communautés de communes une véritable réflexion stratégique sur la fiscalité à adopter parmi les 4 régimes fiscaux existant dont les composantes ont des conséquences importantes à la fois sur le volume de ressources fiscales supplémentaires mais aussi et surtout, sur le volume de la DGF.  La passage d’une « fiscalité additionnelle » à une fiscalité professionnelle « de zone » ou « unique »  est au cœur des préoccupations de bon nombre d’intercommunalités.

 

Patrice RAYMOND insiste bien sur le besoin de « laisser reposer l’eau pour mieux voir à travers » et de ne rien précipiter. Il a pour ce faire présenter la chronologie des 5 réformes désormais installées.

 

LES 5 REFORMES …

 

La loi N.O.T.Re est la dernière étape d’une réforme engagée en 2010. Ce « monument » qu’est la loi NOTRe ne peut se comprendre que l’on a en tête les autres textes qui ont précédé. Toute la force de ce dernier étage de réformes plonge ses racines dans les textes précédents :

 

 Réformes sur le terrain administratif :

 

- Loi du 16 décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales dite loi « R.C.T. »

- La loi Organique du 17 mai 2013 sur la réforme des modes de scrutin et la réforme des cantons

- La loi du 27 janvier 2014 sur la modernisation de l’Action Publique territoriale et l’affirmation des Métropoles dite loi « M.A.P.T.A.M. »

- La loi du 16 janvier 2015 sur la délimitation des régions et la réforme des scrutins

- La loi du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la république dite loi « N.O.T.Re »

 

 

Réformes sur le terrain financier :

 

 

-La loi de finances pour 2010 supprimant notamment la Taxe professionnelle, mettant en place la contribution économique territoriale (CET) et 14 nouvelles ressources de substitution

-Loi de finances pour 2012  mettant en place le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC)

- Loi de finances pour 2013 modifiant le calcul du Potentiel financier intercommunal agrégé (PFIA) 

- La loi de finances pour 2014 diminuant de 1,5 milliard d’euros le montant de dotation forfaitaire de la DGF

- Les lois de finances pour 2015 à 2017 supprimant notamment 11 milliards d’euros

 

 

LES COMPOSANTES MAJEURES DE LA LOI N.O.T.RE…

 

La loi NOTRe contient  les trois piliers de la nouvelle organisation territoriale française en Europe :

 

1er pilier : le  renforcement considérable des compétences des 13 nouvelles régions dans  le domaine de l’ emploi, du développement durable, des déchets et surtout du développement économique.

 

2ème pilier : le renforcement des intercommunalités en tant que nouvel échelon territorial de proximité dans le cadre des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale. Elle finance également la chronologie d’élaboration et de vote des schémas.

 

3ème pilier : Le renforcement de la Solidarité et à l’Égalité des Territoires  : le département intermédiaire entre les régions et les EPCI

 

Patrice Raymond  explique qu’ "Il n'y a ni hasard ni paradoxe, ces réformes sont très cohérentes et répondent toutes aux objectifs de l'Etat … plus les EPCI intègrent de compétences, plus les DGF leurs sont favorables, la loi du 16 décembre 2010 prévoyait déjà des mutualisations de compétence telles la mutualisation des moyens informatiques, financiers ou d’entretien des bâtiments municipaux ».

 

Il explique également que " Cette loi enclenche la première vitesse de notre entrée  dans une nouvelle ère, les questions que l'on se posait avant sont obsolètes, il faut réfléchir différemment, se poser de nouvelles questions".

 

L’environnement financier est tel aujourd’hui que  répondre à des conditions toujours plus nombreuses d’éligibilité aux dotations doit éviter de nous faire perdre de l’argent. Avant, en répondant à de nouveaux critères on assurait à la structure des dotations plus importantes. Le luxe serait donc aujourd’hui d’éviter de perdre trop d’argents ? Assurément non.

 

La stratégie à mettre en place consiste à placer haut la barre et à s’imposer de recherche des éligibilités toujours plus importantes. En effet, « l’Etat n'impose rien mais procède à de fortes incitations » rappel Patrice RAYMOND. A nous de la comprendre et de les mettre en œuvre. La stratégie de l’Etat est d’amener ceux qui le veulent à mettre en place une véritable stratégie pour "être utiles à leur territoire… et prendre rendez-vous avec l'avenir".

 

N’étant pas législateur, il faut faire avec les contraintes introduites dans les lois de finances. Les instruments de stratégie à mettre en œuvre pourraient être les suivants :

 

- Eligibilité à la DGF bonifiée pour les communautés de communes

- Neutralisation de l’Attribution de compensation (AC) et de la dotation de solidarité communautaire (DSC) dans le C.I.F.

- Augmentation des compétences déléguées à l’EPCI pour minorer les AC

- Revalorisation des bases d’imposition

- Modalités de prise en charge du FPIC par le groupement

- Diminution des taux additionnels des communes membres pour permettre de nouvelles marges de manoeuvre pour le groupement, … 

        

C’est dans ce contexte que les élus réunis à  Messigny ce samedi s’interrogent sur le passage « optionnel » ou « obligé » à la fiscalité professionnelle unique.

 

 

Patrice RAYMOND Loi NOTRe

 

 

Pour répondre de façon stratégique à la question, il est impératif de bien connaître les 4 formes fiscales d’EPCI à fiscalité propre.

 

1er niveau, la fiscalité additionnelle : Le groupement intercommunal est doté des mêmes compétences fiscales qu’une commune. Le conseil communautaire vote des taux qui s’additionnent à ceux pratiqués par les communes. Sa fiscalité se surajoute à celle des communes, qui continuent de percevoir leur fiscalité sur les quatre taxes directes. " Aujourd'hui, le citoyen n'en peut plus de la fiscalité, les prélèvements sont au taquet, son pouvoir d’achat s’amenuise, mais les collectivités ne peuvent plus faire face à l'augmentation de leurs compétences avec la diminution des DGF". D’autres ressources complémentaires créées en 2010 se rajoutent.

 

2ème niveau Fiscalité Additionnelle de Zone
Le régime de la Fiscalité additionnelle est conservé mais des zones d'activités intercommunales sont créées. Le taux de la Contribution Foncière des Entreprises (CFE) sur une zone d’activités économiques clairement délimitée est unifié. Les entreprises présentent sur la zone paieront la CFE à l’EPCI au taux intercommunal. Elles paieront la CVAE au groupement.

 

3ème niveau : Fiscalité professionnelle unifiée (FPU) de niveau 1 : Ce régime s'applique de manière optionnelle aux communautés de communes. Il n’existe plus qu’une seule zone qui couvre tout l’EPCI. L’EPCI se substitue progressivement aux communes pour la gestion et la perception, sur l’ensemble de son périmètre, du produit de la fiscalité professionnelle.

 

4ème niveau : Fiscalité professionnelle unique (FPU) de niveau 2 : A la FPU « 1 », s'ajoute la fiscalité additionnelle.

 

Pour ces deux niveaux, les groupements intercommunaux à fiscalité propre jouissent également de ressources complémentaires créées elles aussi dans la loi de finances pour 2010.

 

Patrice RAYMOND Loi NOTReEn plus des ressources fiscales, l’Etat verse un montant de DGF qui augmente au fur et à mesure que le groupement monte dans les échelons de fiscalité. Plus l’EPCI se substitue aux communes membres et plus l’Etat encourage l’EPCI financièrement. Cet encouragement est calculé à partir du Coefficient d’intégration fiscale (CIF).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A côté de la DGF, les groupements bénéficient en investissement de la dotation de développement rural (DETR) qui est versée, sous certaines conditions démographiques et de périmètre, aux groupements de communes à fiscalité propre exerçant une compétence en matière d’aménagement de l’espace et de développement économique. Il y a également le FCTVA (fonds de compensation de la TVA).
 

Par ailleurs, les structures intercommunales à fiscalité propre jouissent d’aides diverses et de recettes propres (produits de taxes, redevances ou contributions correspondant à des services assurés par elles).

 

 

Conclusion

 

Patrice RAYMOND pour conclure rappellera "qu'Arnold Swarzenegger dans l'Effaceur, ce n'est rien à côté de la loi N.O.T.R.e" et "qu'il est indispensable de mettre en place une véritable stratégie fiscale, en faisant table rase de ce qui existait auparavant. Il faut réfléchir à une stratégie qui permette à un territoire de ne pas subir la baisse des dotations mais au contraire de les augmenter afin de développer son territoire et le bien-être de ses habitants et professionnels. Chaque territoire a ses propres spécificités et doit avoir sa propre reflexion afin de définir son niveau fiscal".

 

 

Catherine LOUIS conclu la réunion en rappelant aux élus présents qu'ils doivent s'engager dans une démarche commune pour l'avenir du territoire. Une réunion dans le cadre d'un conseil intercommunal sera programmée prochainement. Elle a chaleureusement remercié Patrice RAYMOND pour la qualité et la clarté de son exposé et invite l'ensemble des élus présents à un pot sous le signe de la convivialité…

 

 

Contact Patrice Raymond

Patrice.Raymond@u-bourgogne.fr

(06) 12 65 51 96

 

 Patrice RAYMOND Loi NOTRe

 

 

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