Les parcs nationaux sont des espaces protégés créés pour sauvegarder des patrimoines naturels et culturels reconnus comme exceptionnels. Bourgogne Franche-Comté et Champagne-Ardennes réunies, forment un immense territoire. C’est sur une partie de ce territoire que se joue le projet du futur parc national des forêts de Champagne et Bourgogne dont le GIP s’est réuni en assemblée générale, une réunion non publique placée sous haute surveillance policière, mais ouverte à l’échange de positions. L’occasion de dresser le bilan 2015 du GIP et pour les représentants des trois collèges d’exprimer craintes, interrogations ou satisfactions.
Ce qu’il faut savoir pour comprendre…
Un territoire et des hommes !
Le territoire du futur Parc National des Forêts de Champagne Bourgogne compte plus de 25 000 habitants répartis sur deux départements, la Côte d’Or et la Haute Marne.
L’originalité d’un parc national relève ainsi autant d’un patrimoine naturel originel de très grande valeur, que de la présence d’activités humaines qui ont su satisfaire les besoins des populations locales tout en respectant leur environnement. La singularité du futur Parc des Forêts de Champagne et Bourgogne réside dans le fait que ce soit un parc dédié à la forêt justement…le seul en France !
On retrouve, sur le périmètre du futur parc, quatre massifs forestiers, Châtillon, La Chaume, Arc-en-Barrois et Auberive. C’est un territoire vaste et structuré et bien sûr une forêt recélant des richesses culturelles à révéler et à mieux faire connaître... Ces forêts immenses et anciennes occupent l’essentiel d’un plateau que d’aucun relègue parfois à ce qu’on appelle les déserts français. Un territoire cependant vivant de ses habitants, de ses activités et d’une nature préservée à la faune et à la flore remarquable.
Un territoire marqué par l’homme depuis la protohistoire, à l’origine d’un potentiel archéologique encore préservé en grande partie par la forêt, jusqu’à l’apogée de la métallurgie, au XIXème siècle, dont on retrouve encore les traces le long des vallées, en passant par le Moyen-Age où les moines ont largement façonné ce territoire boisé.
Au fil des époques, les hommes se sont installés, les villages se sont construits. Relativement bien préservés, eux aussi, ils sont les témoins de cette évolution de la vie locale. La forêt et l’exploitation du bois, l’agriculture et l’exploitation de la pierre constituent le socle d’activités du futur parc national. Garantes du maintien d’emplois locaux, ces filières économiques participent aussi largement au façonnage des paysages. Dans ce territoire rural, l’artisanat occupe également une grande place dans la vie économique locale, associé aux commerces et services de proximité.
Qu’est-ce qu’un GIP ?
Un groupement d’intérêt public est une personne morale de droit public, qui peut être constituée entre différents partenaires publics ou entre un partenaire public au moins et un ou plusieurs organismes privés. Il a un objectif déterminé, et doit répondre à une mission d’intérêt général à but non lucratif.
Créé en juillet 2010, le GIP des Forêts de Champagne et Bourgogne est donc l’établissement public chargé de piloter la création du parc national, en rassemblant les différents acteurs du projet. Un premier collège est constitué de représentants de l’Etat et de ses services. Un second réunit les collectivités locales (communes et intercommunalités, départements, régions) et le troisième les acteurs du territoire (monde économique, associatifs, habitants, …).
Ses missions sont clairement définies. Il a été instauré pour piloter la mise en place du parc national des Forêts de Champagne et Bourgogne. Ses grandes missions sont de démontrer la qualité exceptionnelle des patrimoines naturel, culturel, paysager et humain, et de définir un projet de territoire afin de les protéger et de les mettre en valeur. Il est chargé d’édicter une charte. En effet, chaque parc national réalise une charte à 15 ans pour son territoire. Localement, le GIP anime différentes commissions pour identifier des axes de développement sur les thématiques fortes du projet : forêt, tourisme, patrimoine naturel, etc. La stratégie de territoire donne un sens commun à l’ensemble de ces travaux.
C’est aussi une stratégie identifiée avec, en premier lieu, un socle commun d’attentes vis-à-vis du projet de territoire. C'est-à-dire qu’il faudra, au travers de ce projet, consolider les filières traditionnelles du territoire pour enrayer leur déclin, donner un nouveau souffle au travers de l’accueil de nouvelles activités économiques, culturelles, sociales et scientifiques. Ce sera aussi capitaliser sur la notoriété d’un parc national pour favoriser l’attractivité du territoire, notamment touristique.
C’est sur ces points que de nombreuses questions se posent depuis plusieurs années, des points soulevés dans le calme par différents participants lors de l’assemblée générale qui s’est tenue à Vanvey, en Pays Chatillonnais.
L’assemblée générale 2016
En introduction, Philippe Vincent, maire de Vanvey, a souhaité la bienvenue à tous dans sa commune qui a déjà reçu plusieurs réunions du GIP pour un projet qu’il soutient.
Guy Durantet Président du GIP des Forêts de Champagne et de Bourgogne a ensuite évoqué l’ordre du jour et fait circuler la parole avant que de commencer la présentation du rapport d’activités 2015. Les votes différents ont pu se dérouler normalement puisque le chorum des 419 voix étant atteint avec 465 votants in situ.
Les agriculteurs de Côte-d'Or et de Haute-Marne ont réaffirmé leurs craintes.
Thierry Ronot, agriculteur en Côte-d'Or et Sébastien Riottot, agriculteur en Haute Marne, se sont exprimés. La grande majorité des agriculteurs ne veut pas du futur parc, refusant de se laisser enfermer à perpétuité dans un cœur de parc contraignant, expliquent ainsi la FDSEA 52 et 21 et les Jeunes Agriculteurs 52 et 21. Dans ce sens, ils demandent le retour au projet initial de fin 2011qui avait recueilli 94 % d’avis favorables sur un projet de coeur de l’ordre de 20 000 ha, positionné principalement sur les forêts domaniales.
"Le projet qui a été imposé par les instances parisiennes en 2014, n’est pas celui de notre territoire. Les agriculteurs ne sont pas opposés à une démarche d’adhésion, avec un objectif clair de développement économique à la clé. Acteurs économiques majeurs du territoire rural, les agriculteurs refusent de se laisser enfermer à perpétuité dans un cœur de parc contraignant. Ils ont maintes fois manifesté leur opposition au projet de prise en considération qui inclut des surfaces agricoles sous un fallacieux prétexte de continuité écologique. Ils demandent le retour au projet initial de fin 2011qui avait recueilli 94 % d’avis favorables sur un projet de cœur de l’ordre de 20 000 ha, positionné principalement sur les forêts domaniales. Le projet qui a été imposé par les instances parisiennes en 2014, n’est pas celui de notre territoire. La profession agricole, comme de nombreux autres acteurs économiques ne se reconnaissent pas dans cette démarche cautionnée par un GIP où l’administration est surreprésentée.
Cette instance n’est pas représentative des acteurs du territoire et particulièrement des acteurs économiques. Les arbitrages abscons faits entre l’Administration Centrale et la Direction du GIP, suite aux consignes de la feuille de route de février 2013, ont engendré un climat de défiance. C’est pour cette raison que les organisations agricoles représentatives ont pris leur distance des instances du GIP. Les agriculteurs ne sont pas opposés à une démarche d’adhésion, avec un objectif clair de développement économique à la clé. Mais ils considèrent que les conditions ne sont toujours pas remplies pour participer à l’élaboration de ce projet, qui s’enlise faute d’un signe fort sur la volonté de revenir au schéma originel."
Pierre Denis de la Confédération Paysanne de Champagne Ardenne a indiqué, quant à lui, la chance que les agriculteurs ont à saisir au travers de ce projet.
Du côté des élus Marie Claude Lavocat et Yvette Rossigneux ont fait part de leurs constats et interrogations, ainsi que Marc Frot, Stephan Woynaroski et Hubert Brigand.
Marie Claude Lavocat maire de Chateauvillain, Vice présidente du Conseil Départemental de Haute Marne et présidente de la MDPH de son département a interpelé les représentants de l’Etat au travers de Joel Bourgeot, sous préfet de Montbard. " Je me pose énormément de question sur la méthode suivie par l’Etat et ses représentants pour faire avancer le dossier de la création du parc… " Elle reste ébahie du peu de considération de l’Etat en direction des élus au suffrage universel que sont les maires qui sont en capacité de synthétiser les attentes et espoirs de la société civile et économique…Et surtout qui connaissent les hommes de leur territoire. Elle note que cette indifférence manifeste se fait jour par l’absence de visite In Situ des représentants du ministère de tutelle et voit, en de nombreux disfonctionnements un réel manque de respect de l’Etat et de ses institutions centrales. Ni Marie Claude Lavocat ni un bon nombre d’élus de sa circonscription ne souhaitent cautionner le fonctionnement arbitraire de l’Etat. L’arrivée de Françoise Souliman préfète de Haute Marne, nommée le jour même, fait revenir cette élue de terrain autour de la table avec une attente forte de dialogue et de confiance. Elle évoquera la loi de 2006 et les règles de nouvelle gouvernance qu’elle induit.
Yvette Rossigneux, maire de Giey sur Aujon et conseillère départementale de Haute Marne a indiqué qu’en 2008, à l’annonce de la création du parc, les élus et habitants du territoire étaient enthousiastes, convaincus que ce projet serait un élément fondamental pour le développement touristique, la mise en valeur du patrimoine naturel et culturel, le respect des atouts économiques et agricoles. Elle constate que les négociations avec le ministère de l’environnement sont inexistantes, que le dialogue de sourd est instauré entre le territoire…élus, chambres consulaires, propriétaires forestiers… et l’Etat qui fige à lui seul la feuille de route les périmètres et les conditions. En fin d’intervention elle exprime, elle aussi, le souhait de revenir au fondamentaux de la loi de 2006 visant à une démocratie participative et la participation des élus, de la société civile et des acteurs économiques des territoires.
Stephan Woynaroski, conseiller régional, professeur certifié en Biologie Ecologie, a porté la parole de Marie Guite Dufay, présidente du Conseil Régional de Bourgogne Franche Comté. Il a noté que le projet du futur parc s’inscrit dans la stratégie du conseil régional et les différents schémas d’aménagement du territoire. Il répond à l’axe éco-touristique développé et soutenu par la Région. Le premier pilier en étant la protection du patrimoine rural et le second le développement économique en milieu rural. Au travers de cette intervention on pourra noter que l’intérêt de la Région reste intact vis-à-vis du futur parc. Il faudra construire ensemble dans le respect de l’environnement et de l’économie locale… retrouver le chemin de la concertation pour que ce territoire puisse s’exprimer et valoriser ses atouts.
Marc Frot, conseiller départemental de Côte d’Or, a fait remarquer que le projet de 2011 a fait l’unanimité …ce qui n’est plus le cas actuellement… Il souhaite que chacun s’y retrouve au-delà d’un mode de fonctionnement trop rigide et d’une méthodologie abstraite. Pour cet ancien exploitant agricole proche du terrain, ce projet se doit d’être fédérateur et ne pas se fixer dans les douleurs de chacun mais bien dans un projet de territoire dans le respect de tous les partenaires et la participation des habitants.
Hubert Brigand, maire de Châtillon sur Seine et conseiller départemental, interpelle sur la feuille de route. « Les habitants de ce territoire ne devraient-ils pas être à l’origine de cette feuille de route ? ». Fort de la cette conviction, il constate également et à l’instar de nombreux participants, que beaucoup de questions posées restent à ce jour sans réponse sur un dossier qui manque de méthodologie. Comment expliquer le parc ? Comment rassurer le monde agricole qui fait vivre ce territoire ? Qu’en est-il des impératifs en matière de structures de restauration, d’hébergement, de capacité hôtelière ?
Malgré les incertitudes et sur fond de questionnements pluriels les acteurs économiques ont rejoint le GIP qu'ils avaient quitté en juillet 2015. Frédéric Naudet, vice-président de la chambre du commerce et de l’industrie de Côte-d'Or, représente ce collège au sein du GIP. Se sentant mal traité, ce collège avait alors exprimé que le projet ne pouvait être soutenu qu'à la condition que ce soit aussi un projet de développement économique, et non pas une mise sous cloche du territoire qui a suffisamment souffert des politiques des territoires ruraux... Posant également un soupçon sur le fait que l’État ait des intentions cachées en matière d’aménagement des territoires ruraux. A ce jour, le collège des acteurs économiques a donc rejoint la table des négociations partant du principe que la politique de la chaise vide n’est pas une bonne politique, que les choses se feront quand même.
A relire ici
Le bilan 2015
Le dossier de prise en considération a été validé à 78 % lors de l'assemblée générale du 11 février 2015.
L’ensemble des documents est la version corrigée suite à cette assemblée. Ils ont été transmis aux instances nationales soit le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) et le Comité Interministériel des Parcs Nationaux.
Le GIP a impulsé la réflexion au sujet de la charte sur les axes, agriculture, chasse, culture, eau et milieux aquatiques, économie-emploi-formation, éducation à l’environnement et au développement durable, forêt-filière bois, patrimoine culturel, patrimoine naturel et paysages, tourisme.
Le GIP s’est employé à préparer le territoire à l’arrivée du parc national au travers d’actions de configuration illustrant concrètement les apports techniques et financiers du parc national pour les acteurs du territoire dans le but d’inciter ces derniers à développer des partenariats avec le futur établissement public.
Le GIP cherche à créer une « culture parc » et édite les Cahiers du GIP depuis mars 2015. LA page Facebook et le compte Twitter ont été créés. L’année a été marquée par de beaux évènements tels Vivre le Parc National en mars 2015, la Journée Internationale des Forêts, La Fête de la Nature. Des conférences et des expositions en partenariat avec la Ligue de Protection des Oiseaux et Autour de la Terre.
Ce sont aussi des rencontres avec Axel Kahn, scientifique et philosophe, Alain Bougrain Dubourd, présentateur d’émission animalière ou encore Philippe Bertrand, "chroniqueur rural " qui lui vit dans le périmètre du futur parc.
Le projet en 2016
En 2016, la phase importante sera celle de l'écriture de la charte et de la réglementation pour le futur Parc national. Mais en premier lieu le GIP attend le retour de la seconde feuille de route émanant des services de l’Etat. A suivre donc !
Vous retrouvez ici le document complet du projet socle.
Que dire ?
Ce début d’année a été marqué par le retour de quasi tous les acteurs économiques au sein de l’instance GIP des Forêts de Champagne et Bourgogne. Cependant il reste de nombreuses zones d’ombre et beaucoup de questions sans réponse. Un parc national est un territoire vivant de ses spécificités naturelles, géologiques mais aussi de ses habitants et des ses entreprises. Un monde économique qui ne saurait se résumer aux simples aspects matériels mais qui doit prendre en compte le capital économique que représente l’humain et ses initiatives locales. Des initiatives portées par les associations et les habitants, qui organisent randonnées, séjours à la ferme, journées découvertes et à eux seuls générateurs d’un tout autre profit… celui du partage de la connaissance d’un territoire et de ses singularités. Un patrimoine et un capital humain qui ne sait se chiffrer, loin des enjeux des grandes filières que sont le bois et l’agriculture mais qui porte vie à tout projet !
On trouve environ 5000 parcs nationaux dans le monde, plus de 300 en Europe, 10 en France. Ils forment un réseau mondial d’espaces naturels - terrestres et maritimes - exceptionnels, où la diversité biologique, culturelle et paysagère s’exprime avec magnificence. Tout y est mis en œuvre pour préserver, gérer et mettre en valeur de façon exemplaire la nature et les paysages.
Pour découvrir les parcs en France c’est ici !
Crédit photos Marie Quiquemelle
Crédit carte et schémas GIP du Parc des Forêts Champagne et Bourgogne
m.quiquemelle@echodescommunes.com