Maire d’Arceau et président de l'Association des Maires Ruraux de Côte-d’Or, Bruno Bethenod est doublement concerné par la Nouvelle Organisation Territoriale de la République dite « Loi NOTRe » qui prévoit notamment un seuil de 15 000 habitants (sauf dérogation) pour les intercommunalités et des compétences obligatoires nouvelles. Un « déni de démocratie » pure et simple pour Bruno Bethenod, très remonté contre la loi, qui pointe la cassure un peu plus prononcée des citoyens d’avec l’exécutif local.
La loi NOTRe est au cœur de l’actualité des maires. Quel est votre sentiment à propos de cette réorganisation territoriale ?
Bruno Bethenod. Avec la loi NOTRe, on crée des intercommunalités XXL et on éloigne encore les citoyens du lieu de décision au nom d’une meilleure gestion. Dans de telles intercommunalités, il n’y a plus de proximité. Si on éloigne les votants du lieu de décision, il ne faudra pas s’étonner qu’un désintérêt progressif se mette en place. Ce qui se prépare, c’est la disparition programmée des communes, alors que c’était le lieu où l’on votait le plus… le vote, c’était justement la sanction de cette gestion de proximité. Une sanction immédiate. La loi NOTRe va faire disparaître le lien direct entre le citoyen et son cadre de vie sans la moindre concertation de l’Etat ni avec l’Association des maires de France, ni de l’Association des maires ruraux de France, ce qui est un déni de démocratie. Et dans un délai très court puisqu’au 15 juin, les périmètres des nouvelles intercommunalités seront arrêtés. Des intercommunalités qui se connaissent peu ou mal vont devoir gérer ensemble. Or pour qu’un territoire soit heureux il faut qu’il se connaisse. Il faut que les maires se rencontrent, se parlent au niveau des comités de maires… l’urgence est là !
Vous sentez-vous accompagné par l’Etat pour la mise en place ?
Aucunement. L’Etat lui-même est incapable de mettre juridiquement en place la réforme à travers ses services juridiques départementaux ! Il n’y a aucun suivi, beaucoup moins d'ingénierie pour accompagner les communes en terme d’urbanisme, de transfert de compétences, d’étude d’impact financier… mais il est certainement vrai que la responsabilité incombe plus au législateur qu'aux services préfectoraux… D'autre part, le choix de la taille de la collectivité est effectué avant de définir ses compétences !
Vous estimez que le public va être desservi par cette réorganisation ?
Bien sûr ! Mais si on voulait supprimer des infrastructures, ne pouvait-on pas se baser sur le réseau existant de communes ? Développer les e-services sans toucher à l’organisation territoriale ? Cette loi est une remise en cause de l’identité même de la République, de l’équité au niveau des services publics. Savez-vous que l’Insee a sorti de son vocabulaire le mot « rural » ? On parle désormais de « pôle excentré d’un pôle urbain ». Avec leur nouvelle forme de calcul, 72% du territoire est classé comme « urbain », un déni de la réalité que l'Europe a bien relevé, " de Villefranche–sur–Saône à Lyon, ce n'est d'après l'INSEE qu'un territoire urbain, or nous ne voyons que champs et pâturages le long de l'autoroute", l'Europe a décidé de mettre en place ses propres critères pour comparer la France avec les autres pays, cela donne une France à 72% de territoires urbains…. Cherchez l'erreur ! Mais il fallait faire voter la loi MAPAM*, celle des métropoles !!!
C’est juste la démonstration de la volonté de mainmise des métropoles sur les territoires ruraux. Et cela pose d’autres questions : par exemple concernant l’eau. 84% des Français se disent satisfaits de la gestion de leur eau. Du fait du regroupement des intercommunalités, de nombreux syndicats des eaux vont disparaître. Quel est le lobby derrière ? Globalement, je me demande s’il y a seulement eu une réflexion sur la pertinence de cette politique mise en place. A qui profite-t-elle ? Pour moi, taper sur les communes était ce qu’il y a de plus facile. Et cette paresse va être dommageable à tout notre pays.
Et Bruno Bethenod conclue cet interview avec une philosophie toute républicaine : " Mais la loi est votée, à nous de la transposer avec la meilleure intelligence républicaine pour la défense de l'intérêt général."
*(loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles)
Bruno Bethenod
Président de l'Association des Maires Ruraux de Côte-d'Or
40 Grande Rue - 21310 Arceau
Tél. 06 08 24 42 13
Mail : bbc21@bethenod.com
Entretien réalisé par Emmanuelle de-Jésus
Agence Proscriptum