Cérémonie commémorative de la bataille du Châtillonnais.

12 juin 2014

Au Monument de la Forêt de Chatillon, en hommage aux 37 Maquisards tombés le 10 juin 44 dans les combats pour la Libération, la cérémonie de commémoration s'est déroulée le dimanche 8 juin.

L'occasion de rappeler l'histoire de cette bataille et la cause qu'ont servie les 500 maquisards  Châtillonnais.

 Histoire de la bataille de la forêt de Chatillon


« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon coeur d’une langueur monotone... ».

Ce célèbre message reprenant la première strophe du poème Chanson d’automne de Paul Verlaine émis par la B.B.C. (Radio Londres) annonce aux résistants l’imminence du débarquement en Normandie.
Le 6 juin 1944, les différents groupes de maquisards Châtillonnais, ayant entendu ce message, convergent vers la forêt domaniale de Châtillon au lieu-dit de la Grande Réserve.
C’est une véritable mobilisation qui est décrétée. L’enthousiasme est à son comble, c’est l’effervescence. Les volontaires recrutés par des responsables de maquis affluent de toute la région. Environ 450 hommes sont ainsi rassemblés.
Une telle mobilisation ne passe pas inaperçue. Tout le monde connaît le lieu de rassemblement, c’est bien là un des problèmes majeurs.
L’armement et l’encadrement sont insuffisants. Les difficultés du ravitaillement sont telles que très vite, l’existence du maquis est connue de l’occupant. Le maquis de la forêt est survolé par un avion de reconnaissance allemand.
Le 9 juin, lors de la visite du camp par les responsables départementaux et régionaux des forces françaises de l’intérieur, plusieurs chefs du maquis leurs avertissent du danger imminent. Mais la décision est prise de ne pas bouger tant que le camp ne sera pas attaqué.
Malheureusement, il ne fallut pas attendre longtemps, le lendemain à l’aube plus de 2.000 hommes de la Wehrmacht et plusieurs centaines de soldats russes de “l’Armée Vlassov” cernent le maquis et passent à l’attaque. Les maquisards tiennent bon jusqu’à 10 heures, moment où l’ordre tant attendu de quitter le terrain arrive. C’est une manoeuvre très périlleuse pour sortir de cette forêt, dont certains jeunes résistants n’en connaissent pas les issues.
Cependant quelques maquisards plus expérimentés parviennent à rompre l’encerclement et à se replier en direction d’Ampilly le Sec. Lors de la sortie de la forêt, plusieurs d’entre eux sont tués au combat et d’autres sont faits prisonniers. Le calvaire pour ces derniers ne s’arrête pas là. Deux groupes sont emmenés, l’un à Saint Germain le Rocheux et l’autre à Essarois, pour y être interrogés et fusillés après d’abominables tortures.
L’attaque de la forêt de Châtillon coûtera la vie à 37 “terroristes” comme l’écrivait la presse de l’époque.
Les noms gravés sur ce monument en “lettres de sang”, perpétuent le devoir de mémoire envers les jeunes générations. N’oubliez jamais !
Que ces héros immortels tombés pour la liberté reposent en paix.
Vive la liberté, vive la France !

Source : COMITÉ DU SOUVENIR DU MONUMENT DE LA FORÊT DE CHÂTILLON 10 JUIN 1944

 

Cérémonie commémorative de la bataille de la forêt de Châtillon.

 

Discours de Nathalie JOLY, Président départemental de l’Association du Souvenir de la Résistance de Côte-d’Or

"... Il faut mettre en perspective les évènements, les faits de cette période avec des notions éthiques telles que l’engagement, le refus, le devoir, l’honneur, ces valeurs que l’on a parfois tendance à oublier et qui, dans des situations de crise grave, révèlent les capacités d’hommes et de femmes à se battre, parce que ces valeurs font leur dignité et celle d’une Nation..." Lire+

Discours de François SAUVADET, Président du Conseil Général de la Côte-d'Or

 "... Commémorer, ce n’est pas simplement se souvenir, c’est interroger l’histoire pour en lire l’actualité, c’est transmettre cette histoire aux jeunes générations pour leur rappeler que le combat pour les libertés est un combat permanent, et que ce combat n’est pas le combat des autres, c’est le nôtre... " Lire+

 

Discours de Pascal MAILHOS, Préfet de Bourgogne, Préfet de Côte-d’Or

"... Souvenons-nous de leur mémoire pour faire vivre la justice et le droit. Saluons la noblesse de ces hommes plongés dans l’horreur. Élevons leur conscience au rang de symboles de l’honneur, du courage et du dévouement pour que leur combat pour la liberté éclaire à jamais notre route..." Lire+

 Nathalie JOLY

Bien sûr, les circonstances qui nous rassemblent font partie d’une histoire de plus en plus ancienne, les témoins de cette époque se font plus rares, le temps passe inexorablement, mais la reconnaissance de la Nation reste et doit demeurer toujours aussi vive.

Perpétuer le souvenir, c’est les remercier du bien le plus précieux qu’ils nous ont légué, à nous qui profitons chaque jour des bienfaits de la Liberté.

Ici, le vent de la révolte a grondé, et vous avez fait partie de ces hommes qui se sont battus. A travers vous, nous rendons aussi hommage à tous vos compagnons. Ces hommes s'appelaient courage.

Cette terre Châtillonnaise est celle de femmes et d’hommes attachés aux valeurs démocratiques et républicaines, amoureux de la France, prêts à combattre pour la liberté, pour la dignité et l’égalité, qui ont accepté de donner jusqu’à leur vie pour libérer leur Patrie du joug nazi, car c’est bien d’un combat pour la liberté dont il s’agissait face à une idéologie d’oppression et de servitude.

Les résistants sont parfois très jeunes. Ils vont mourir. Mais ce qu’ils incarnent est invincible. Ils ont dit « non », « non » à la fatalité, « non » à la soumission, « non » au déshonneur, « non » à ce qui rabaisse la personne humaine, et ce « non » continuera d’être entendu bien après leur mort parce que ce « non » c’est le cri éternel que la liberté humaine oppose à tout ce qui menace de l’asservir.

Il faut mettre en perspective les évènements, les faits de cette période avec des notions éthiques telles que l’engagement, le refus, le devoir, l’honneur, ces valeurs que l’on a parfois tendance à oublier et qui, dans des situations de crise grave, révèlent les capacités d’hommes et de femmes à se battre, parce que ces valeurs font leur dignité et celle d’une Nation.

Ces valeurs nous devons les garder et les transmettre notamment aux jeunes générations, si nous voulons en faire des hommes et non de grands enfants. Oui, nous avons le devoir de leur transmettre, à notre tour, cette idée de l’homme que les générations passées nous ont léguée et au nom de laquelle tant de sacrifices ont été consentis.

Cette mémoire, qui ne doit pas s’éteindre avec le départ définitif des témoins de cette époque, nous devons sans cesse la cultiver, tant les idéaux humanistes de concorde, de tolérance et de paix sont fragiles, comme malheureusement l’actualité mondiale nous le démontre tous les jours.

Les commémorations ne sont pas un acte de plus dans cette culture de la mémoire, elles sont un engagement essentiel de civisme.

Ces cérémonies, telles que celle que nous vivons aujourd’hui, doivent permettre aux jeunes de réfléchir et de comprendre la nécessité de se souvenir et de prendre conscience des grands défis humanistes qui se dressent régulièrement devant les peuples au fil du temps.

Ils doivent s’approprier des valeurs que nous partageons, qui sont celles des droits et des devoirs de l’homme, qui sont celles de la République.

Ces valeurs ne sont pas dépassées, d’un autre siècle comme certains le disent. Elles sont le creuset du vivre ensemble dans la liberté, le respect de l’autre, la fierté de son pays, la citoyenneté assumée. La défense de la liberté et de la dignité de tous, la promotion de la fraternité dans ce monde du « chacun pour soi », du « moi d’abord » constituent les combats d’aujourd’hui.

Ce devoir de mémoire serait vain, s’il n’était qu’un rituel un discours obligé.

Il ne s’agit de glorifier des héros sans nous poser la seule question qui vaille : que pouvons nous faire ? Que devons nous faire aujourd’hui, non pour leur ressembler, mais pour que leur sacrifice rende meilleure notre société.

Notre conception de la vie serait pauvre si nous croyons que, la guerre abolie, les occasions manquent aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage dans l’Europe créée sur les ruines de la deuxième guerre mondiale.

Aujourd’hui, le courage c’est de se donner aux grandes causes, c’est de ne pas subir la loi du mensonge qui passe, c’est de toujours chercher l’intérêt général, c’est de ne jamais se mettre en position d’être du côté des bourreaux.

Le courage c’est de chercher la vérité, c’est de vouloir non pas de l’ordre pour l’ordre, mais un ordre juste, un ordre social plus fraternel.

Le courage c’est d’avoir pour ambition le respect pour chacun et la justice pour tous.

Si nous faisons preuve d’un peu de ce courage, l’idéal de la Résistance, un monde sans peur et sans haine sera préservé.

Pensons à tous ces enfants épris de liberté, qui aimaient la vie, à toutes celles et ceux qui partirent dans l’action, fidèles à l’esprit de liberté.

Pensons au courage dont il faut faire preuve à l’instant où tout bascule, à l’instant du choix suprême. Choisir entre sa vie et celle de ses compagnons. Savoir que plus jamais on ne reverra sa famille, ses enfants. Ce courage, les Résistants en ont fait preuve.

« Le courage c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille » a écrit Jean Jaurès

Alors oui, faisons preuve d’un peu de courage, loin des roulements de tambours, pour nous montrer dignes du sacrifice de ceux qui sont tombés dans un même combat, pour un même idéal, la LIBERTE, l’EGALITE, la FRATERNITE.

LA FRANCE

Ces 37 Maquisards ont affirmé leur idéal. Sachons nous souvenir de leurs actions, soyons fidèles à leur idéal de paix et de liberté.

Nous devons, oui nous devons maintenir le souvenir du sacrifice de ces Maquisards et transmettre aux générations qui nous suivent, cette leçon de courage donnée par ceux qui voulaient tout simplement VIVRE LIBRES.

N'oublions pas toutes celles et tous ceux qui, durant cette période aussi noire que le crime, ont dit « non », ont refusé l'indifférence, la collaboration, la peur et la honte : les Résistants, certains sont là et je m'incline humblement devant eux, ces hommes et ces femmes faisant preuve de la plus belle des abnégations, qui ont donné toutes leurs forces pour lutter contre l’oppression et la barbarie, qui ont donné jusqu'à leur vie pour en protéger ou en sauver d'autres, jusqu'à leur âme pour faire que la France soit aussi à la table des vainqueurs.

Vous savez combien je suis attachée à la dimension humaine, institutionnelle et citoyenne de nos cérémonies, parce qu’elles sont l’expression bien vivante de notre conscience collective, de notre engagement résolu à perpétuer le souvenir de celles et ceux qui ont vécu, qui ont subi, l’horreur, la barbarie et la souffrance.

L’expression bien vivante de notre volonté de leur rendre hommage et de leur exprimer notre reconnaissance pour ce qu’ils ont fait, parfois, souvent, jusqu’au sacrifice ultime dans leur soif de ne pas céder face à l’oppression pour que le souffle le vent de la liberté, partout et pour tous.

Ils ont lutté contre les théories fascistes, contre les théories racistes qui parlaient de sous hommes, de race pure, ces théories qui nient l’humanité présente en chaque homme, quelque soit sa couleur de peau ou sa religion. Ces théories qui sont contraires à l’Histoire de la France des Droits de l’Homme, qui sont la négation de la République, de ce pacte social qui nous unis sur des principes simples : la Fraternité, la Liberté et l’Egalité.

Face aux récits des témoins de cette époque, face à parfois une insupportable réalité, nous nous devons à leur mémoire et devons entretenir le souvenir de ceux dont les noms sont figés pour l’éternité dans la pierre. Tous ceux dont la vie s’est arrêtée prématurément parce qu’ils ont fait le choix de dire « non » au régime de Pétain et au régime nazi.

Raconter pour transmettre et ne pas oublier, évoquer ces tragiques événements, c'est mieux comprendre ce qu'est la France, hier, aujourd'hui et demain.

Une terre de liberté, liberté reconquise par les forces unies de la Résistance. Une terre où, face aux honteuses discriminations édictées par Vichy, est proclamée et vécue l'égalité de tous en dignité et en droit, au-delà de toute catégorie idéologique, politique, religieuse ou sociale ; une égalité vécue dans les Maquis, dans la lutte comme dans la victoire, Armée Secrète et Francs Tireurs et Partisans côte à côte. Une terre enfin de fraternité, où une population courageuse a parfois pris tous les risques et payé le prix fort pour apporter son soutien aux Maquis.

Tel est le sens des événements commémorés à l'occasion de ce 70ème anniversaire.

Nous avons besoin aujourd’hui du même esprit d’exigence éthique et civique pour affronter tête haute les réalités de notre temps. On ne saurait construire durablement la société de demain sans avoir compris les leçons du passé.

Cérémonie commémorative de la bataille de la forêt de Châtillon.

 

François SAUVADET

 

Chaque année nous nous retrouvons pour commémorer la tragédie vécue par les 37 hommes qui sont tombés ici lors de la bataille de la Forêt de Châtillon-sur-Seine.

Mais cette année, 70 ans après, cela prend un sens particulier, à trois jours seulement des célébrations du Day vécues  avec intensité en présence de tous les chefs d’Etats des puissances coalisées sur les plages de Normandie.

Nous avons tous vu et entendu ces témoignages bouleversants de ceux qui sont venus d’outre atlantique retrouver leurs frères d’arme.

C’est à tous ces combattants que nous rendons hommage, à tous ces hommes, ces femmes qui ont bravé la peur et le feu pour arracher la liberté, ces femmes et des hommes qui, de l’intérieur comme de l’extérieur, ont tout laissé pour partir au combat.

Et au pied de ce monument, c’est une émotion particulière qui nous étreint.

Les visages des 37 maquisards tombés dans la forêt de Châtillon ce 10 juin 1944 sont là devant nous figés pour l’éternité.

Le plus jeune avait 16 ans et 14 d’entre eux  avaient 20 ans ou moins.

Les mots nous manquent pour exprimer ce que nous ressentons au plus profond de nous face à ce drame.

Ce que furent leurs souffrances, oui les mots manquent pour exprimer  l’indicible, nous qui n’avons jamais connu la guerre.

Mais nous savons ce que nous leur devons.

Et les premiers mots je veux les adresser à vous les anciens combattants, à vous les familles qui avez perdu un être cher, brutalement et tragiquement arraché à votre affection par la folie guerrière.

Ils étaient des fils, des pères, des voisins, des cousins, des amis : ils étaient nous

Tous furent abattus ou fusillés sommairement pour avoir fait  un choix, un choix définitif, radical, intégral : celui de ne pas subir, pour reprendre les mots  du Maréchal de Lattre de Tassigny.

Notre grand Poète Charles PEGUY, mort dans les premiers jours de la grande guerre voici 100 ans de cela, a écrit des phrases si fortes et si belles pour magnifier cet engagement que je souhaite vous les rappeler :

Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,

Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.

Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.

Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.

Oui disons le haut et fort, la guerre est terrible et terriblement injuste lorsqu’elle vient frapper sans discernement des peuples entiers et faucher, comme ici, des vies à peine commencées.

Mais ce qui donne tout son sens et sa force à leur combat, à leur engagement, 70 ans après, c’est que le combat qu’ils ont mené était comme le disait Péguy un combat juste, un combat pour l’essentiel : la liberté de notre peuple.

Ces 37 victimes symbolisent le refus de rester des spectateurs de ces temps de ténèbres où l’inhumain côtoyait le quotidien jusqu’à se confondre avec lui.

Ils ont refusé l’arbitraire, les représailles aveugles, des trains chargés de déportés, le refus de la souillure, de la compromission, de la bassesse et de la haine.

Ils incarnent la volonté qu’ont eu nos compatriotes de se relever du traumatisme de juin 1940 qui a précipité certains dans la résignation, l’égoïsme.

Ils incarnent ce cri, d’abord étouffé mais sans cesse amplifié ce cri de résistance, ce cri de liberté.

Ce cri c’est celui des étudiants qui manifestèrent le 11 novembre 1940, c’est le serment de la colonne Leclerc à KOUFRA en 1941, c’est celui du Commandant Honoré d’Estienne D’Orves face au peloton d’exécution au Mont Valérien cette même année, c’est le cri de victoire de soldats de Bir Hakeim (1942) et de Monte Cassino en 1944 qui ouvrirent aux alliés les portes de Rome.

Ce cri c’est également le silence de Jean MOULIN face à ses tortionnaires en 1943 ou de Pierre BROSSOLETTE en 1944, c’est celui des martyrs du Vercors en 1944 ou le sourire de ce résistant inconnu à ses bourreaux à l’heure de l’exécution.

Oui ces 37 hommes sont une extraordinaire incarnation des martyrs de la Résistance.

Je ne reviendrai pas sur les circonstances de ce drame. Chacun les connaît.

En ce 8 juin 1944 l’ennemi est aux abois, les temps de son triomphe sont bel et bien passés, pour autant il demeure redoutable

L’hiver 1943-1944 fut une hécatombe !

Clandestins, traqués, mal armés et souvent affamés, les Hommes de la Résistance ont dû puiser dans leur foi inébranlable la passion qui fondait leur combat de Français libres.

Malgré la délation, la torture, la vengeance aveugle, ils ont écrit de grandes pages de notre histoire.

Comme cette épopée tragique du maquis des Glières, de janvier a mars 1944 menée par le Lieutenant Tom MOREL qui en fit ce résumé avant d’être assassiné : « Sublimant tout ce que le maquis possédait de nobles traditions, il éleva les hommes au-dessus d'eux-mêmes ».

Le rôle de la résistance a été essentiel.

Elle a su se mobiliser pour répondre au Général De Gaulle qui de Londres avait appelé à ce que « l’action menée […] sur les arrières de l’ennemi soit conjuguée aussi étroitement que possible avec celle que mènent de front les armées alliées et française . »

Cet appel est entendu, relayé, et, ici, le Capitaine Jacques organise le rassemblement et donne l’ordre aux maquisards de la région de Châtillon-sur-Seine de se mobiliser en grand nombre.

Je l’ai dit je ne reviendrai pas sur les épisodes qui ont conduit à ce drame pour ne retenir que la force de l’engagement de ces 300 patriotes et la tragédie que cela fût.

Avec tout d’abord, dès le 7 juin 1944, la mort vers Belan-sur-Ource, au lieu dit les Maiseaux, de deux jeunes de la Vallée de l’Ource tombés sous les balles allemandes alors qu’ils répondaient à l’appel de mobilisation.

Tragédie aussi pour Roger OSAER tombé en panne avec son camion rentrant après l’heure au camp de la Forêt et qui fut tué  tragiquement.

Ce 10 juin 1944, lors la bataille de la forêt de Châtillon, beaucoup de maquisards trouvèrent leur salut, mais plusieurs d’entre eux ont été pris et sauvagement exécutés sur le lieu même de leur capture.

C est le destin qu’ont connu ces 37 hommes qui trouvèrent la mort lors de ces événements tragiques : moyenne d’âge 24 ans

Ce 10 juin s’écrivait ainsi  l’une des premières pages de la libération de la Côte-d’Or qui s’acheva le 12 septembre 1944 avec la jonction à NOD-SUR-SEINE de deux unités de français libres : la 2ème DB et la 1ère Division de Français libres.

Le commandant suprême des armées alliées, le Général Dwight D. EISENHOWER, reconnu sans détour le rôle des résistants  « Au travers de toute la France, la résistance française a été d’une valeur inestimable durant la campagne. Sans leur grande assistance, la libération de la France aurait pris beaucoup plus de temps et nous aurait coûté beaucoup plus de pertes ».

La Côte-d’Or y a pris une part active, mais elle a aussi payé du lourd tribut du sang sa libération, avec 317 internés, 962 déportés, dont 489 ne sont pas rentrés, 190 résistants tués au combat et 237 fusillés.

Ils sont notre mémoire et aussi l’honneur de notre nation comme le disait Bernanos  « L'honneur d'un peuple appartient aux morts et les vivants n'en ont que l'usufruit » (BERNANOS).

Ils sont allés rejoindre dans la prestigieuse lignée des combattants de la liberté ceux qui les ont précédés, les poilus de la Grande Guerre et ont précédé ceux qui, en Indochine ou en Afrique du Nord, sont allés accomplir leur devoir là où la République leur a commandé d’aller.

Commémorer, ce n’est pas simplement se souvenir, c’est interroger l’histoire pour en lire l’actualité, c’est transmettre cette histoire aux jeunes générations pour leur rappeler que le combat pour les libertés est un combat permanent, et que ce combat n’est pas le combat des autres, c’est le nôtre.

Il appartient à chacun d’entre nous et il nécessite du courage.

C’est cela le message que délivre la vérité de l’histoire.

Notre devoir est de rappeler aux jeunes générations le drame de la guerre.

De leur rappeler aussi que tant de misère, tant de blessures que l’on aurait pu croire béantes pour l’éternité, ont fait émerger un idéal nouveau, de concorde entre les peuples.

Car les combattants d’hier ont eu le courage de combattre, mais ils ont eu aussi le courage de se tendre la main.

Moins de 5 ans après la fin de la guerre, dans une Europe qui pansait encore ses plaies, déchirée par le rideau de fer et menacée par le totalitarisme soviétique, un nouveau cri s’est fait entendre, celui de la Fraternité entre les peuples, ces peuples qui n’avaient cessé de se faire la guerre des siècles durant, celui du Bien Commun partagé et de la défense collective des libertés fondamentales.

6 ans après la fin de la guerre était signé, le 18 avril 1951, le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, prélude au traité de Rome de 1957.

Dès 1942 Robert SCHUMAN alors à LONDRES, auprès du Général de Gaulle affirmait « Il faut en finir avec la notion d'ennemi héréditaire et proposer à nos peuples de former une communauté qui sera le fondement, un jour, d'une patrie européenne. »

Les ennemis d’hier sont devenus le pivot de la construction européenne, instaurant une période de paix durable alors inconnue pour nos deux pays tirant ainsi les leçons douloureuses de l’Histoire.

Le combat des 37 martyres de la forêt de Châtillon n’a pas été un combat vain.

Il nous a assuré la paix et la liberté, c’est cela qui fait l’actualité du message qu’ils ont laissé au printemps de leur vie.

« L’homme ne se construit qu’en poursuivant ce qui le dépasse »  disait (André MALRAUX) : Oui, nous devons rappeler ici au pied de ce monument qu’il n’y pas de destin pour une nation dans le renoncement et le repli, qu’il n’y a pas d’avenir pour un peuple sans engagement personnel et sans conscience que l’avenir dépend de chacun d’entre nous et de notre capacité à refuser les extrémismes d’où qu’ils viennent.

Du pied de ce monument adressons aussi un message à nos soldats, ceux qui défendent partout dans le monde ces valeurs au nom de la France : nos soldats engagés hier en Afghanistan, au Liban, en Côte-d’Ivoire ou en Libye, et aujourd’hui au Mali et en Centrafrique, aux 642 qui ont perdu la vie depuis 1963 en Opérations Extérieures.

Oui réaffirmons ici que la grandeur d’un pays comme la France, c’est d’être engagé partout où c’est nécessaire pour la défense des libertés.

Car l’histoire sanctionne toujours tragiquement et impitoyablement ceux qui font d’autres choix que celui du courage.

Voilà l’héritage que nous laissent les 37 victimes de la tragédie de la forêt de Châtillon.

Que vive la République,

Que vive la France,

 

 Cérémonie commémorative de la bataille de la forêt de Châtillon.

 

Pascal MAILHOS

Le 10 juin 1944, près de soixante-dix ans jour pour jour, trente-sept résistants tombaient dans la forêt de Châtillon, sous les balles de l’ennemi nazi.

         L’histoire des maquisards du Châtillonnais est bien davantage qu’une histoire de combattants. C’est l’histoire d’un mythe et celle d’un drame, l’histoire de la liberté et celle d’une tragédie.

         Avec vous aujourd’hui, nous revivons la réalité dramatique du sort de ces hommes. Avec vous, j’ai vu ce monument où chacun de leurs noms est désormais gravé dans la pierre. J’ai vu ces visages de maquisards engagés dans le combat pour la liberté. J’ai vu cette forêt où ils furent fusillés, leurs yeux nourris d’espoir, à ne jamais oublier. J’ai lu l’histoire de cette bataille qui a parcouru le temps de l’histoire, j’ai entendu les cris et le bruit des fusils qui résonnent à jamais dans tous les esprits, j’ai saisi la détresse du maquisard face à une mort sournoise. Mais aujourd’hui, par-dessus tout, j’ai perçu une conscience, la conscience du résistant qui s’est élevée face au nazisme, la conscience de celui qui a dit non à la défaite, non à la capitulation, non à la collaboration, oui à la France.

         L’histoire des maquisards de la forêt de Châtillon, c’est l’aventure d’une lutte fraternelle. Le souvenir de ces frères est inscrite dans nos cœurs. Depuis près de trois quarts de siècle, le comité du souvenir de la forêt de Châtillon célèbre chaque année un lieu emblématique du monde libre et perpétue la mémoire de ces hommes inconnus qui, par leur détermination, leur héroïsme, leur opiniâtreté, ont donné sens au mot « résistance ».

         Ils étaient près de 500 rassemblés dans la forêt de Châtillon ce matin du 10 juin 1944. Que faisaient-ils ici ? Londres avait annoncé quelques jours auparavant l’imminence du débarquement. « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone ».

         À l’écoute de ces vers, guidés par l’enthousiasme et la certitude que le dénouement était proche, ces soldats de l’ombre se sont dressés face au bourreau. Désobéir pour que vive la patrie, tel était leur engagement. Peu armés mais unis, peu encadrés mais déterminés, peu préparés mais fougueux, ils ont connu la peur, le courage et l’ardeur au service de la gloire, pour faire flotter, ici, en ce lieu, le drapeau de la liberté.

         À l’aube de cette journée du 10 juin 1944, au creux de ces arbres, nos pères firent face à l’offensive de la terreur nazie. Face au danger, ils ont dit non à la fuite, leurs visages transfigurés par l’aube de la libération. Ils ont dit non aux heures sombres de notre histoire, s’engouffrant dans un combat qui donna sens à leur mort. A 10 heures, après plusieurs heures de combat, face au chaos et à l’inéluctable déroute du maquis, tombe l’ordre tant espéré de se disperser. L’heure du moment fatal.

         À ce moment-là, à quoi pensaient-ils ? À quoi pensaient-ils, ces soldats de l’ombre, saisis d’effroi face à l’abîme de leur mort proche ? Aux joies de leur jeunesse alors écourtée par le fruit de la haine ? Au dernier regard de leurs pères qui les avaient vu partir pour sauver le pays ? Aux larmes de celles pour qui l’attente du retour de l’époux ou du fils sera éternelle ? Aux cris de détresse de leurs frères d’armes, de ces compagnons du maquis qui tentaient de se libérer de cette forêt diabolique ?

         Les pensées de ces soldats de l’ombre sont depuis peu retracées dans un ouvrage de Pascaline KROMICHEFF qui nous fait revivre cette bataille. Un héros incarne cette histoire. Ce héros est aujourd’hui parmi nous. Georges CLERC, âgé de 23 ans en 1944, raconte l’émotion ressentie, le traumatisme vécu. Blessé au cours de la bataille, Georges CLERC nous livre le témoignage poignant des derniers instants de la vie d’un homme dans une baraque de chasseurs. À travers quelques phrases vibrantes, l’âme d’Henri PARPETTE, un jeune parisien âgé de 18 ans, revit.

      « Je ne voulais pas le laisser, alors j’ai essayé de l’emporter. [...] Il continuait de me dire de me sauver, d’aller chercher du secours. Il crevait de soif, le pauvre garçon. Derrière la baraque, il y avait un bidon avec de l’eau de pluie. J’ai trouvé une bouteille, je l’ai nettoyée comme j’ai pu, je l’ai remplie et la lui ai donnée. Ensuite, je suis parti en direction de Saint-Germain car je connaissais mieux ce secteur, j’espérais y trouver de l’aide. Ce jeune homme m’a sauvé la vie en me disant de partir, car lui a été pris par les Allemands. »

         Ces soldats de l’ombre étaient saisis de l’histoire d’une nation, du destin des peuples, de la survie de la liberté. Ce matin du 10 juin 1944, un déluge de tirs s’abattit sur cette forêt, des pluies de sang ruisselèrent sur le sol de Saint Germain le Rocheux et d’Essarois. Certains tombèrent sous le feu des mitrailleuses sur le champ de bataille, d’autres connurent la torture et les pires supplices avant d’être fusillés. Les derniers, plus chanceux, réussirent à échapper aux balles de l’ennemi.

         Au lendemain du massacre, lorsque les femmes des villages martyrs firent face à ces corps sans vie, le silence plana. Le silence effroyable de la haine, le silence qui seul peut faire face à la mort. Un silence assassin s’élevant contre l’ennemi comme l’évoquait Charlotte GABUET lors de l’inauguration du monument des fusillés d’Essarois.

« Six coups de feu, et les Allemands reviennent en chantant leur crime. La France avait perdu cinq fils et gagné cinq martyrs. »

         Aujourd’hui, nous nous inclinons respectueusement face aux 37 victimes de la forêt de Châtillon, morts en soldats sans porter l’uniforme, morts pour que vive la France.

         Ce massacre ne fut pas le seul sur notre territoire national ; il en rappelle d’autres. Des fusillades meurtrières d’Oyonnax à la rafle de Nantua, des atrocités de Tulle à l’infamie d’Oradour, du sort des maquisards des Glières à l’écrasement sanglant du Vercors ; aucun de ces lieux ne doit tomber dans l’oubli car ils sont la source même de notre liberté.

         En ces temps de commémorations du soixante-dixième anniversaire du débarquement en Normandie, nous célébrons la voie d’une reconquête et d’une réconciliation. Commémorer n’est jamais anodin. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’honorer la justice d’un combat mené par ces femmes et ces hommes résolus, morts ou vivants, ces maquisards, ces forces de l’intérieur qui ont brisé les chaînes d’un État devenu esclave, d’un « État clandestin », comme l’appelait Alban VISTEL, dont ils furent les défenseurs.

         Aujourd’hui, nous commémorons la Résistance dans sa pluralité. De l’appel du 18 juin 1940 au débarquement des alliés le 6 juin 1944, s’est levée la lumière de l’espérance portée par la Résistance. Cette volonté de  résistance intraitable s’exprime par la voix du Général de Gaulle.

         « Seul un soldat, a écrit Léon Blum, pouvait dicter avec cette force et cette autorité des devoirs aussi simples, simples comme le cri de la conscience. »

         Des destins individuels ont alors forgé un destin collectif, le destin de la nation.

         Résister, ce fut l’expression d’une volonté ; la volonté personnelle de s’engager pour empêcher que la barbarie nazie ne triomphe sur le monde libre.

         Résister, ce fut la manifestation d’un refus ; le refus de la fatalité, le refus de ces insoumis, révoltés face à l’infamie, l’injustifiable, l’illégitime, qui ont brisé l’ordre établi en transgressant l’interdit.

         Résister, ce fut l’émanation d’un espoir ; l’espoir de la libération pour refonder l’État et restaurer la continuité de l’Histoire nationale, l’espoir d’un idéal démocratique pour que vivent les peuples et les cultures dans leur diversité au sein d’un monde pacifié.

         Voilà ce qu’était la Résistance qui doit demeurer un enseignement vivant pour la jeunesse d’aujourd’hui et celle de demain. Cet enseignement, c’est celui de l’engagement. Souvenons-nous de ces récits,  de ces événements, de ces témoignages qui constituent des héritages imprescriptibles de notre Histoire, qui sont pour nous, nos enfants et nos petits-enfants un devoir, une exigence, une nécessité.

         Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que la mort de ces héros n’a pas été vaine. Puisons nos ressources dans les valeurs de respect et de dignité de nos aînés pour que jamais l’humanité ne tombe une nouvelle fois dans les abîmes de l’atrocité. Souvenons-nous de leur mémoire pour faire vivre la justice et le droit. Saluons la noblesse de ces hommes plongés dans l’horreur. Élevons leur conscience au rang de symboles de l’honneur, du courage et du dévouement pour que leur combat pour la liberté éclaire à jamais notre route. Tel fut le sens du message de Pierre Brossolette, le 22 septembre 1942, au micro de la B.B.C :

         "À côté de vous, parmi vous, sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes - mes frères d'armes -, les hommes du combat souterrain pour la Libération. Ces hommes, je voudrais que nous les saluions ce soir ensemble. Tués, blessés, fusillés, arrêtés, torturés, chassés toujours de leur foyer, coupés souvent de leur famille, combattants d'autant plus émouvants qu'ils n'ont point d'uniformes ni d'étendards, régiment sans drapeau dont les sacrifices et les batailles ne s'inscriront point en lettres d'or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivront ; saluez-les. La gloire est comme ces navires où l'on ne meurt pas seulement à ciel ouvert mais aussi dans l'obscurité pathétique des cales. C'est ainsi que luttent et que meurent les hommes du combat souterrain de la France. Saluez-les, Français ! Ce sont les soutiers de la gloire".

 

 Cérémonie commémorative de la bataille de la forêt de Châtillon.

 

 

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