Ludovic Rochette : « défendre ses villages plus que ses clochers »

12 avril 2023

À Saint-Julien, l'installation d'un supermarché de proximité a déclenché l'arrivée d'un village senior et de nombreux autres commerces locaux (épiceries, boulangeries). La pharmacie a attiré  des professionnels médicaux tels que les dentistes. Créer un esprit de village plus qu’un esprit de clocher, c’est l’objectif que s’est fixée la communauté de communes Norges-et-Tille, présidée par Ludovic Rochette, également président de l’Association des maires de France de Côte-d’Or, pour favoriser le développement des quatorze communes qui la composent. Un esprit aujourd’hui porté par deux nouvelles recrues, Isabelle Benoit et Perrine Latouche chargées de construire et vendre un territoire qui ne brasse pas du vent.

Comment les communautés de communes répondent-elles à la fois à leurs obligations et à la nécessité de se promouvoir ?

Ludovic Rochette : D’abord, il faut rappeler que les communautés de communes sont des établissements publics qui ne vivent que par des délégations de compétence données soit par la loi, soit par une volonté des communes. Elles ont un socle de compétences obligatoires tels que la gestion des déchets ou le développement économique mais aussi des compétences facultatives.

Les communautés de communes ont évolué d'une structure de gestion vers une structure stratégique. Elles n'existent que parce que les communes existent. Les compétences varient d'une communauté de communes à l'autre, tout comme les modes de gestion, ce qui n'est pas plus mal. Les communautés de communes ont anticipé ce que la loi 3DS a voulu mettre en place. Chaque communauté de communes se distingue par ses modes de gestion. Sur la com com de Norges et Tille, on est pragmatique. On n'est pas obligé de gérer partout de la même manière, même à l'intérieur de l’interco. La recherche de l'efficacité pour les habitants est la base. On doit toujours répondre à une question : comment être efficace avec l'action des communes ?

Sur Norges et Tille, nous avons un système où nous assumons les domaines extrascolaires, mais les communes assument les domaines périscolaires car elles sont plus efficaces. Mais ce qui fonctionne ici peut ne pas fonctionner ailleurs. Mais tout cela a demandé une remise en cause de l'état d'esprit des élus. Il ne faut pas oublier qu’il y a 20 ans, tout devait être intercommunal.

 

En tant que président de l’AMF 21, maire, et président d’interco ne craignez-vous pas que cela conduise vers une suppression des communes du fait de leur perte d’autonomie financière ?

Ludovic Rochette : La question de savoir si les communes seront supprimées à cause de leur manque d'argent est nuancée par le fait qu'il est important de maintenir l'élection au suffrage universel des maires, mais qu'il est également nécessaire d'avoir une péréquation entre les communes et les communautés de communes pour assurer une solidarité dans les mêmes bassins. Les habitants veulent des communes et de la proximité. Mais ça ne signifie pas non plus qu’il ne faut rien réformer.

 

Justement le président de l’Association des Maires de France David Lisnard, dénonce une « République des Cerfa » et appelle à une simplification. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?

Ludovic Rochette : Les collectivités ne doivent pas pousser à la professionnalisation des élus, car cela devient une question de spécialistes et risque de creuser ce que Gérard Larcher a appelé « la fracture bureaucratique » J’aime bien ce terme. L’AMF plaide pour éviter de monter des usines à gaz, alors que l'on reproche déjà à l’État de trop en construire. Au lieu de cela, il faut débattre entre collectivités et avec la population pour savoir ce que l'on souhaite pour le territoire. Si ce débat a lieu uniquement entre parlementaires, quelque chose sera manqué.

Au cours des crises que nous venons de traverser, nous avons réussi , en partie grâce à l'État qui a déconcentré et a laissé les collectivités travailler ensemble, même s'il y a eu des moments de tension. ON a démontré le rôle des communes avec les Gilets Jaunes et celui des conseils municipaux avec le COVID. Il faut privilégier la capillarité plutôt que le ruissellement.

 

Beaucoup d'élus demandent plus d'indépendance dans les décisions et souhaitent que l'État devienne un accompagnant des projets de territoires plus qu’un donneur d’ordre. Quelle est votre conviction ? 

Ludovic Rochette : Il faut de la co-construction avec l'État, et il est nécessaire d'arrêter la politique de l'appel à projets qui ne bénéficie qu'à ceux qui ont le plus de moyens et de possibilités, car cela accroît les inégalités territoriales. Plus que de l'indépendance, il est souhaitable de réduire ces inégalités territoriales. Dans le cadre de la relance, des fonds importants ont été mis en place, mais les structures les plus organisées en ont le plus bénéficié. C'est une question d'ingénierie, et il existe des systèmes d'aide à l'ingénierie importants dans les communautés de communes. C'est grêce à ces aides que la CCNeT (Communauté de communes Norges-et-Tille) dispose d'un VTA (volontaire territorial en administration), un poste financé à 100% par l'État, qui répond aux appels à projets. On déploie un PCET (Plan Climat Énergie Territorial) et un schéma des énergies renouvelables. Sans le VTA, on ne pourrait pas aller à la pêche aux financements.

Le rôle des intercommunalités est d'être là pour structurer et être stratégique, mais sans devenir des usines à gaz. C'est un équilibre entre ce que l'on peut gérer en interne et ce que l'on peut déléguer. Il fut un temps où la gestion était une philosophie, tout en régie soit tout en délégation de Service public. Maintenant, on évalue ce qui sera le mieux, la régie ou la DSP, en marché de prestations pour chaque compétence.

Un des bienfaits, si je puis dire, des difficultés financières des collectivités est de ne plus avoir de principe établi sur les modes de gestion. Ceux qui ont anticipé cela ont pris de l'avance. Des collectivités reprennent en régie et mettent en DSP pour d'autres raisons. Il ne faut pas s'enfermer sur les modes de gestion. L'intercommunalité n'est pas le guide suprême.

 

N'y a-t-il pas une crainte de perdre des compétences et du pouvoir pour les petites communes ?

Ludovic Rochette : Il est essentiel de mettre en place des systèmes qui permettent un bon contrôle. Cela relève de la responsabilité des élus. À Norges et Tille, nous expérimentons différentes solutions. Dans le domaine de la petite enfance, nous avons autant une DSP qu'un système avec deux structures associatives qui louent des micro-crèches que la communauté de communes a construites. Localement, nous réfléchissons à la façon de développer un service accessible et apprécié par les populations. Par exemple, pour les centres de loisirs, nous avons de moins en moins d'animateurs, ce qui nous pousse à nous questionner sur la mise en place d'aides au BAFA. Tout cela nécessite de s'appuyer sur des professionnels. Ensuite, il est important de communiquer sur ces initiatives. Par exemple on revient aux SIVOM. Il y a 5 ou 6 ans c’était impensable ! Mais on a besoin d’un niveau intermédiaire. Si ça marche, si ça coute pas cher et que tout le monde est content, foutons leur la paix ! On ne peut pas réduire l’efficacité au critère démographique.

 

Si vous le faites, est-ce que cela ne signifie pas que l'État n'a plus à le faire ?

Ludovic Rochette : C'est le sens de responsabilité de l'élu. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Auparavant, nous avions un service de la DDE (Direction départementale de l’équipement) qui fournissait de l'ingénierie aux communes. Lorsque nous faisions des travaux, la DDE venait et lançait l'appel d'offres. Aujourd'hui, c'est le département qui le fait. Si le département ne le faisait pas, qui le ferait ?

Les élus sont responsables. Ils sont souvent agacés d'avoir l'impression de faire le travail à la place de l'État, mais cela n'est pas forcément ni vrai ni faux. Ils sont davantage préoccupés par leurs moyens plutôt que de savoir s'ils font le travail d'un autre. C'est là que la péréquation intervient.

En Côte-d'Or, la quasi-totalité des collectivités contribuent au fonds de péréquation intercommunal pour que les plus riches aident les plus pauvres. Cependant, ce système ne remplit plus son rôle. Si nous voulons réussir cette nouvelle phase, nous devons redéfinir la solidarité. L'État doit trouver des systèmes incitatifs pour la mutualisation; par exemple envisager des bonus de l'État sur des projets mutualisés. Cela devrait faire partie du mode de gestion.

 

Comment Norges-et-Tille, qui compte 16 000 habitants et 14 communes, peut-elle se dissocier de la métropole pour ne pas rester un territoire périphérique ?

Ludovic Rochette : Après la loi NOTre, nous avons fusionné nos 14 communes et avons mis cinq ans pour assumer cette fusion et trouver une identité commune. La communication a joué un rôle crucial dans ce processus. Ceux qui ont élaboré un projet de territoire ont pris de l'avance.

Nous avons élaboré un projet de territoire et nous sommes mis d'accord sur ce que nous voulons pour notre territoire pour la décennie à venir. Nous l'avons décliné en axes et en actions. Par exemple, nous voulions passer de villages dortoirs à des villages refuges, c'est-à-dire des endroits où les gens se rencontrent et socialisent, où il y a du dialogue. Nous voulions créer un lieu où les gens peuvent étudier, vivre et vieillir. Nous y parvenons grâce à nos 14 communes, ce qui serait plus difficile dans de plus grandes intercommunalités où la définition est plus complexe.

 

Est-ce difficile de défendre un projet de territoire, par exemple face à Dijon ?

Ludovic Rochette : Non, nous travaillons en collaboration avec tous nos voisins, y compris la métropole et toutes les communautés de communes. Par exemple, nous travaillons sur un schéma de mobilité qui est un enjeu majeur pour notre territoire. Et nous ne pouvons que  travailler ensemble pour améliorer les déplacements. Les pistes cyclables ne s'arrêtent pas aux limites administratives ! Ça veut dire, travailler avec la plaine dijonnaise, ainsi que tous nos autres voisins, la région et le département. Nous nous coordonnons pour améliorer les transports en commun, les pistes cyclables, les trains, etc. Nous tirons des leçons des erreurs du passé où nous travaillions de manière isolée. Sur l’énergie, notre plan territorial vise à produire autant d'énergie sur le territoire que nous en consommons. Nous avons mis en place des principes de développement énergétique et avons développé des ombrières. Nous organisons également des consultations pour installer des ombrières sur la base nautique d'Arc-sur-Tille, les parkings des communes et pour installer des panneaux photovoltaïques sur des terrains non agricoles délaissés. Dernièrement, pour compenser la révision des valeurs locatives, nous avons décidé de baisser les impôts de 7,1%, en réduisant le taux de CFE de 3,5% et la TOM de 3,5%.

 

Et donc comment vendre tout cela ?

Ludovic Rochette : On n'a jamais eu autant de moyens de communication, mais en même temps, on n'a jamais eu autant de besoins en formation pour les élus. C'est le rôle des associations d'élus de répondre à ces besoins. Il y a vingt ans, ce n'était que des amicales. Aujourd'hui, nous avons une juriste à l'AMF, des formations et des informations disponibles. La formation la plus suivie en Côte d'Or depuis deux ans est celle sur la gestion des conflits avec les formateurs du GIGN. La dernière formation qui a réuni 200 élus portait sur la gestion des cimetières. Nous aurons des formations à organiser dans le cadre de l'environnement et de la manière de travailler pour consommer moins et mieux. Nous avons un travail énorme à accomplir sur de nombreux sujets qui représentent des enjeux pour l'avenir.

 

Les deux nouvelles recrues de gauche à droite : Isabelle Benoit, Perrine Latouche, au côté de Ludovic Rochette, Président de la CCNeT

Isabelle Benoît : « Depuis le 1er décembre, je travaille en coopération avec la CAF pour mettre en place la CTG (Convention Territoriale Globale) sur la communauté de communes. Cela consiste à mettre en place des fiches actions après avoir identifié les besoins sur le territoire, en particulier en ce qui concerne la petite enfance, l'enfance et la vie sociale. Mon poste est financé en partie par la CAF, mais je suis fonctionnaire territoriale. Mon travail consiste à accompagner les structures et à proposer des solutions. Par exemple la création d’un Réseau Petite Enfance unique pour que les services soient cohérents et équitables. Pour que ces actions aboutissent, elles doivent être travaillées avec les services et les élus. C’est primordial. Chaque commune a un représentant qui donne son avis mais aussi son aval . »

Perrine Latouche : « Je suis l’unique chargée de communication et je suis arrivée le 6 février. Mon rôle consiste à professionnaliser la communication pour répondre aux besoins des habitants, des élus mais aussi vers l'extérieur. Le nom "Norges et Tille" ne parle pas à une entreprise internationale, mais pourtant, des entreprises viennent sans que l'on ait une politique agressive. Certaines recherchent un cadre fiscal, foncier mais surtout un mode de vie différent. L'idée est également de proposer des produits. De leur dire que nous avons tant de places de crèche par exemple. La spécificité de la communication est que c'est une fonction transversale. Sur tous les sujets, il y a une phase de découverte. Il faut communiquer à l'image de la collectivité et donc connaître chacun de ses services. On vend bien ce dont on parle bien ! »

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