Jeudi 21 mars 2024, Jean-Jacques Coiplet, directeur général de l’Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté (ARS BFC), accompagné de plusieurs membres de l’agence, et Lilian Vachon directeur de l’Assurance Maladie de Côte-d’Or (CPAM) ont présenté les avancées de la région en termes de prévention, d’accès au soin et d’innovation. On fait le point.
En Bourgogne-Franche-Comté comme au niveau national, la santé est au coeur des enjeux sociétaux. « La santé est une préoccupation majeure des concitoyens, quelque soit le territoire de la région » assure Jean-Jacques Coiplet, directeur général de l’ARS BFC (Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté). Si le système présente des dysfonctionnements, l’ARS BFC « agit avec ses partenaires, et ne baissera jamais les bras » pour le rendre plus accessible, plus préventif, et pour apporter des réponses de qualité aussi bien aux professionnels de santé qu’aux patients.
Sortir de l’urgence grâce à la prévention
« Mieux vaut prévenir que guérir » un adage bien connu que l’ARS BFC a décidé d’appliquer.
En lançant des campagnes de vaccination : contre le COVID pour les personnes âgées, et nouveauté cette année, contre les papillomavirus humains pour tous les collégiens de 11 à 14 ans. « 287 collèges ont participé, une équipe spécialisée s’est déplacée pour vacciner près de 5300 élèves dans la région. La 2ème dose va avoir lieu à partir d’avril-mai, et l’opération sera renouvelée chaque année » détaille Alain Morin directeur de la santé publique à l’ARS BFC.
L’agence est également investie dans la promotion de l’activité physique et la lutte contre la sédentarité : « la pratique sportive réduit le risque de maladies chroniques, a un fort impact sur les malades atteints de cancer, même après la maladie ». Des dispositifs sont mis en place pour rendre l’activité physique accessible à tous : le dispositif PASS (Permanences d’Accès aux Soins de Santé) permet aux plus précaires d’être aidés financièrement pour payer leur licence, et la vingtaine de Maisons Sport Santé déployées sur tout le territoire « sont des ambassadeurs, apportent un support méthodologique et agissent au plus près du terrain ».
Expérimentés dans les Hauts-de-France, des bilans de prévention vont être mis en place, à 4 tranches d’âge de la vie (18-25, 40-45, 60-65, 70-75) sous la forme d’un auto-questionnaire à remplir. « On va parler de prévention ! Activité physique, toute forme d’addiction (tabac, alcool…) diabète… » dans l’objectif d’orienter les patients vers les bons acteurs spécialisés du territoire.
L’ARS BFC expérimente par ailleurs une démarche de santé intégrée, expliquée par Cédric Duboudin, directeur de l'innovation et de la stratégie à l’ARS BFC : « une démarche d’intégration plus forte entre les dimensions prévention, parcours, prise en charge avec un renforcement du repérage en amont, à l’image du dépistage du cancer. Cela implique aussi une logique de stratification du patient, d’identifier à quelle étape d’un état de santé liée à une pathologie il se situe pour enclencher la bonne démarche dans la prise en charge et les parcours. On évite ainsi de rentrer dans une pathologie chronique, d’éviter qu’elle ne s’aggrave, d’éviter d’avoir recours aux urgences car la situation sera trop avancée ». Des expérimentations sont menées depuis 2019 en France et en Haute-Saône particulièrement sur le diabète, qui a permis de diviser le nombre de passage aux urgences par presque 4, le nombre des hospitalisations longues par 2, et la multiplication par 2 du nombre de prises en charge en hôpital de jour. « Ce qui se passe en Haute-Saône a vocation à être généralisé » ajoute Cédric Duboudin, pour d’autres pathologies, notamment chroniques.
Faciliter l’accès aux soins
« J'en ai assez de rencontrer des gens qui me disent que c'est plus facile d'avoir rendez-vous chez le vétérinaire que chez le médecin » se désole Lilian Vachon, directeur de l’Assurance Maladie de Côte-d’Or (CPAM). Territoires en manque de professionnels de santé, réponses pas assez qualitatives, manque de temps médical… Autant de raisons qui contribuent à l’exclusion d’une partie de la population dont des patients atteints de maladies chroniques de l’accès aux soins. L’Assurance Maladie a donc engagé début 2023 un plan d’actions, mobilisant de nombreux acteurs de la santé de la région, médecins libéraux, maisons et centres de santé, communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), visant à réduire le nombre de patients en affection longue durée (ALD) sans médecin traitant. « On est allés vers ces patients, en téléphonant à ceux qui avaient consulté 3 fois le même médecin au cours des 12 derniers mois, afin de les inciter à le déclarer en médecin traitant » explique Lilian Vachon. Les résultats sont déjà positifs : le nombre de patients concernés a diminué de 24%, malgré une hausse du nombre de patients en ALD. « Chaque année il faut repousser le défi un peu plus loin. Il faut maintenant se rapprocher des patients en ALD qui n’ont pas reçu de soin médical au cours des 12 derniers mois. Le non recours est dramatique. Parmi ces personnes il y a beaucoup de maladies psychiques et psychiatriques, il faut ramener ces patients dans des parcours de soin coordonnés. »
Autre facilitateur d’accès : les assistants médicaux. Ces professionnels formés aux tâches médico-administratives (accueil du patient, prise de constantes, aide au remplissage du dossier médical, recueil d’informations utiles au médecin pour le diagnostic…) permettent aux médecins de gagner du temps médical. En Bourgogne-Franche-Comté, 10% des médecins généralistes ont un assistant médical. Ce gain de temps réinvesti a permis depuis 2021 d’augmenter de 10% le nombre de patients vus au moins une fois par ces médecins et une augmentation de 37 % du nombre de patients inscrits dans la patientèle médecin traitant.
Cet exercice coordonné des professionnels de santé est selon Lilian Vachon « l’avenir de l’organisation des soins ». Les centres de santé (CDS), les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) regroupent des professionnels de santé autour d’un projet de santé commun et d’une patientèle commune. « Une force de frappe considérable dans la région, qui a le plus grand nombre de maisons de santé par habitant » et des objectifs d’amélioration de la santé des habitants sur le territoire, l’accès facilité aux soins et une meilleure organisation collective des professionnels, avec des financements supplémentaires.
L’innovation pour faire évoluer l’offre de soins
Face à l’augmentation importante des besoins de santé, des tensions sur les ressources, humaines ou matérielles « il faut agir plutôt que réagir » déclare Mohamed Si Abdallah, directeur général adjoint de l’ARS BFC. L’agence travaille donc sur un projet d’ordonnancement, afin de « fluidifier les parcours patients grâce à un dispositif intégré dans le territoire pour une meilleure gestion des lits ». En mobilisant tous les acteurs impliqués du territoire, en proposant une gestion globalisée, sans frontières, « le patient trouve à chaque fois des réponses adaptées à ses besoins, et le personnel gagne du temps ».
Anne Laure Moser, directrice de l'organisation des soins et de l’autonomie à l’ARS explique l’engagement de l’agence en matière de politique handicap et d’aide aux plus fragiles : « en Bourgogne-Franche-Comté nous allons proposer des accompagnements à domicile ou en établissement autour de 3 axes : l’école pour tous, la création de nouvelles solutions pour les adultes et jeunes adultes et l’accompagnement des enfants relevant de l’Aide Sociale à l’Enfance, qui sont au carrefour de difficultés sociales, parentales et du soin ». Des maisons d’accueil sont ainsi déployées dans les départements de la région, des instituts médico-éducatif de répit « pour le soir, le week-end, les vacances d’été ». A l’école, ce sont des pôles d’appui à la scolarité qui sont expérimentés : « nous en aurons 17 à la rentrée prochaine en Côte-d’Or, avec des équipes de 3 personnes professionnelles du médico-social et un enseignant qui feront figure de premier recours dans plusieurs établissements ».
L’amélioration de l’offre passe aussi par la rénovation, la modernisation des outils. Une centaine de projets sont en cours dans la région, mais certains projets sont déjà aboutis : reconstruction du centre de rééducation DIVIO à Dijon, nouveau plateau technique de chirurgie ambulatoire à Dôle, réaménagement de l’unité de psychiatrie au centre hospitalier de Lons le Saunier.
Attirer et fidéliser les professionnels
Pour mettre en place ces nouvelles mesures, il faut des ressources humaines prêtes à investir tous les métiers et tous les territoires. Pour cela, l’ARS BFC travaille depuis un an avec France Travail, le Conseil Régional et la Préfecture sur un plan de mobilisation en faveur des métiers du social, du médico-social et de la santé. Réparti en 4 axes détaillés par le directeur du projet, Timothée Hil, il vise à :
- orienter et former les étudiants et demandeurs d’emploi
- recruter et fidéliser en améliorant l’attractivité des métiers, la qualité de vie, des conditions de travail
- donner des perspectives d’évolution, accompagner la montée en compétences
- attirer et garder les professionnels sur les territoires (faciliter l’hébergement, la mobilité)
En plus, l’ARS BFC a décidé d’allouer un budget supplémentaire pour expérimenter d’autres dispositifs :
- la mise en place d’un contrat d’allocation d’études en dernière année d’études paramédicales (contre une allocation mensuelle, l’étudiant s’engage à rester 18 mois dans la structure qui l’emploie)
- le focus sur l’apprentissage en versant une subvention et en libérant du temps aux professionnels pour encadrer les apprentis
- l’amélioration des conditions de travail dans 28 structures prioritaires identifiées
- l’attribution d’une allocation d’attractivité territoriale pour les internes qui travaillent dans des territoires éloignés des CHU (Centres Hospitaliers Universitaires) afin d’encourager et de faciliter leur installation.
Déborah Vital