Les défis de l'agriculture du futur

14 septembre 2017

La Caisse régionale de Champagne-Bourgogne organisait sa réunion de rentrée à destination  d’élus, d’officiels et des représentants de la filière agricole avec un intervenant de choix : Vincent Chatellier, économiste spécialisé dans les questions agricoles. État des lieux et perspectives : l’agriculture française a des atouts… mais aussi des challenges à remporter si elle veut rester dans la course !

Partenaire privilégié de la profession avec 401 millions d’euros de crédits à moyen terme octroyés en 2016 le Crédit Agricole de Champagne-Bourgogne poursuit ses actions pour maintenir sa position de leader sur le marché des jeunes agriculteurs et viticulteurs : près de 88 % sont installés et financés grâce à son expertise. Sur le segment particulier de la viticulture, son Pôle Viticole regroupe près de 110 collaborateurs experts : la certitude pour le professionnel d’être accueilli et accompagné par un conseiller qui connaît son secteur d’activité et le tissu économique local. Voilà pour l’état des lieux local… qui s’apprécie évidemment à l’aune de la contextualisation du marché français dans les échanges mondiaux. C’était justement le thème de la conférence donnée par Vincent Chatellier, économiste, expert à l’INRA et spécialiste des questions agricoles qui a dressé un tableau à peu près exhaustif de la situation française au regard de ses partenaires et concurrents dans le monde.

Les prix… par le menu

En commençant par ce qui intéresse en premier lieu les agriculteurs dont on connaît les difficultés : le prix des denrées produites. Vincent Chatellier a rappelé quelques évidences pour expliquer la volatilité de ces prix : météorologie, niveau des stocks, progression de la demande, taux de change (les mouvements des monnaies peuvent potentiellement avoir un impact sur la compétitivité car ils affectent les prix domestiques des produits agricoles), restrictions commerciales, spéculation (des niveaux élevés d’activité spéculative sur les marchés à termes amplifient les mouvements des prix à court terme), prix de l’énergie dont les  liens sont croissants au travers des intrants comme les engrais et les transports et au travers de la demande de produits agricoles (bioénergie). Partant de ce constat, quels sont les moyens à mettre en œuvre ? L’expert a proposé quelques pistes : développer la production dans les pays en développement (Afrique), ; limiter les gaspillages « du semis à l’assiette » ; Encourager les régimes alimentaires à base de produits végétaux ; limiter les pertes de foncier agricole ; concilier productivité du foncier et préservation des ressources ; améliorer les techniques agricoles et utiliser les technologies ; favoriser les flux d’échanges de biens agricoles et alimentaires.

 

Des défis à relever en France !

Dans ce contexte, le secteur agroalimentaire français a ses propres limites : un développement des stratégies « compétitivité/environnement », la présence de l’Allemagne placée géographiquement au cœur de l’Europe avec des normes (sociales, environnementales, etc.) moins exigeantes qu’en France, une concurrence intracommunautaire croissante (pays du Nord). La compétitivité à l’export est au cœur de la croissance, la hausse est forte surtout dans les Pays en voie de développement  (dont ceux proches de la Méditerranée). Conclusion : Seuls les marchés extérieurs sont véritablement en augmentation. Sur le cas typique du vin, Vincent Chatellier explique par exemple que l’offre française est de plus en plus concurrencée : malgré sa forte notoriété à l’international, le secteur souffre d’ une image qui ne se renouvelle pas assez et d’une complexité de l’offre parfois difficilement lisible à l’étranger.

 

Comment lutter ?

Pour faire face, la France doit donc développer ses propres stratégies :

- Réduire les coûts de production pour rester attractif face à la concurrence

- Rendre l’imitation difficile (par la technologie, la qualité, l’enracinement dans notre culture)

- Utiliser des ressources intransférables (AOC)

- Innover et réinvestir les marges pour assurer la différenciation.

 

Reconquérir le marché national, puis regagner des places dans les marchés mondiaux : tels sont les objectifs à atteindre. Des défis qui nécessitent volonté, temps et réformes auxquels le monde agricole doit se préparer. Localement, Vincent Chatellier préconise (surtout après les scandales alimentaires et l’accusation de « pollueurs » qui colle à la roue des tracteurs de l’agriculture conventionnelle d’en passer par la pédagogie : éduquer à la consommation, rassurer, expliquer les liens entre produits alimentaires et modèle productif, ouvrir davantage les portes de l’agriculture conventionnelle aux citoyens...

Parallèlement il faut innover ! Les produits qui seront consommés dans 20 ans ne sont pas tous existants, le marketing a parfois plus d’importance que les cahiers des charges et le bio connaît un engouement… mais qu’il faut bien contextualiser. L’agriculture et globalement le secteur agro-alimentaire doit également être conscient des changements sociétaux : intégrer les nouvelles formes de consommation, comme la montée en puissance de la restauration hors domicile, d’une consommation alimentaire de plus en plus « nomade » et d’une démographie en mutation : désormais, 35% de logements abritent seulement 1 personne ; 32% seulement 2 !

 

Les exploitations agricoles à la croisée des chemins ?

Vincent Chatellier est également revenu sur les changements du monde agricole : les gains de productivité du travail sont élevés, mais le retour économique insuffisant, avec des prix de vente trop faibles par rapport aux coûts de production combinés à une mise en attente des investissements dans de nombreuses exploitations, une forte dépendance aux aides directes et donc aux orientations futures de la PAC. Résultat : Un manque de rentabilité et des difficultés de trésorerie, fragilisé encore par la volatilité des prix. La reprise des capitaux par les jeunes agriculteurs est souvent difficile. L’exigence sur les conditions de travail implique de plus en plus de travaux en collectif : tout cela engendre une incertitude qui pèse sur les transitions générationnelles. Ajoutons-y une distanciation grandissante de la société / acte de production et au milieu rural, les critiques des citoyens sur l’agriculture mais sans pondération scientifique et des consommateurs exigeant beaucoup, mais sans vouloir en payer le prix...

 

Quels sont les clés du succès pour les exploitations ?

Loin de l’image traditionnelle attaché au secteur, il faut bien admettre que dans le monde agricole, il existe des modèles de développement mais pas un modèle unique, ainsi qu’une diversité des formes de réussite… ce qui ne dispense pas de quelques fondamentaux...

- Une bonne maîtrise des techniques de production (efficacité des intrants)

- Un collectif de travail cohérent, épanoui, avec une vraie gestion des ressources humaines

- Une bonne réactivité et un sens de l’opportunisme (y compris pour la diversification)

- Une bonne anticipation des facteurs de risque (dont assurances, volatilité et fiscalité)

- Une dilution systématique des coûts fixes (saturation de l’outil)

- Des investissements centrés sur la création de valeur

- La contractualisation dans les filières avec des relations plus équilibrées.

 

Et sur le plan mondial ?

Constat : la demande mondiale de biens alimentaires est croissante, les contributions de l’agriculture se diversifient (énergie, environnement, biomatériaux…). A l’avenir, les normes, la traçabilité et la segmentation joueront un rôle plus déterminant, la contractualisation se renforce et les entreprises se concentrent. Mais la France est capable de dynamiser ses exportations en faisant valoir ses atouts : qualité, notoriété, technologies – on possède un pôle de compétitivité agroalimentaire en Côte d’Or éloquent à ce titre ! - en tenant compte de nombreux enjeux : emplois, territoire, environnement, santé, compétitivité… et des orientations politiques. « Il faut préparer, déjà, les termes de la future PAC (2020) ».

On l’aura compris : concilier productivité et performances environnementales, promouvoir la qualité et renforcer le « made in France », encourager les investissements et adapter les modes de financement, mieux communiquer sur l’agriculture et son rôle utile pour la société française… sont autant de d’orientations pour asseoir les bases d’une croissance du secteur… avec, en symbiose avec les défis à relever pour une agriculture en pleine mutation, la nécessité pour son partenaire bancaire de s’adapter lui aussi ! Mais en invitant un expert tel que Vincent Chatellier, il semble que le Crédit Agricole en soit pleinement conscient !

 

 La Caisse régionale de Champagne-Bourgogne

La Caisse régionale de Champagne-Bourgogne

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