Les bonnets rouges de nos campagnes

Les bonnets rouges de nos campagnes

Il y a un an, les présidents des conseils généraux de l’Allier, du Cher, de la Creuse et de la Nièvre se sont penchés sur le cas des campagnes au sein d’une mission baptisée « Nouvelles Ruralités ». Objectif : travailler sur l’avenir des territoires ruraux pour leur permettre de s’adapter à l’économie de demain. Une mission rejointe par 34 départements – soit 20 millions de personnes concernées – qui a tenu ses états généraux à Nevers, le 5 juin dernier, sur fond de rébellion des conseillers généraux face au projet de réforme territoriale.
Par Maurice Fergusson - Photo : Christophe Masson

Quand Patrice Joly, président du conseil général de la Nièvre explique que « les territoires ruraux ne sont pas des territoires de loisirs et uniquement paysans mais qu’ils sont de potentiels territoires économiques » et que la ministre de l’Aménagement du territoire, Sylvia Pinel rétorque que le gouvernement « doit soutenir l’agriculture et développer le tourisme» ; que des spécialistes de l’économie rurale démontrent que « la métropolisation et lafusion des régions sont un danger pour les territoires ruraux » devant André Vallini, secrétaire d’Etat de la Réforme territoriale qui défend, lui, sans grande conviction, « des grandes régions plus fortes »… Forcément, on se dit qu’il y a un couac, quasiment un dialogue de sourds entre les uns et les autres. D’autant que la question de la ruralité devient cruciale dans le contexte de la réforme territoriale (disparition des cantons au sein des départements, fusion des régions) : or les conseillers généraux n’ont pas manqué de monter au créneau et de faire savoir que la disparition programmée des départements dans les futures méga-régions ne les satisfaisait pas.

Les territoires ruraux ? C’est 55 % de l’emploi et 60 % de la population, des données que, semble-t-il, on ignore à Paris. Ainsi, les spécialistes accusent les politiques nationaux de voir la campagne sans la connaître, réduisant la ruralité à une chose bucolique. Très remarquée, la députée de l’Aisne, ex-directrice de l’ENA, stigmatise « les élites [qui] ont tourné le dos à la nation », très applaudie quand elle ajoute que, « les élèves de l’ENA partent trois semaines en stage enprovince et sont persuadés d’avoir tout compris de la campagne ». Une fronde des élus ruraux ?

Au cours de cette journée, le sentiment général est donc de ne pas avoir été entendu malgré un rapport et 25 propositions faites dans toutes les instances de la République, mettant en avant les capacités économiques, y compris dans le secteur des nouvelles technologies, des territoires ruraux. Une fronde des élus qui semble s’être nourrie par la distance exprimée par la ministre, Sylvia Pinel, qui pour toute conviction porte l’accent chantant de son « petit village du Tarn-et-Garonne ».

Jusqu’alors plutôt discrets, les territoires ruraux s’expriment désormais, tout comme François Sauvadet, président du conseil général de Côte-d’Or, contre les projets de réforme territoriale. Et certains n’hésitent pas à menacer d’un soulèvement.

Cette mission qui accuse la métropolisation d’affaiblir les campagnes, ironiquement ou non surnommée « Campagnes, le Grand Pari », pourrait bien porter les prémices d’une révolte rurale identitaire à l’instar des bonnets rouges. C’est ce qu’ont laissé entendre en tous cas les conseillers généraux des 34 départements accusant le gouvernement de s’intéresser à la campagne… surtout quand on peut faire sans elle.

 

Par Maurice Fergusson

Dijon-Beaune Mag

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