Devenir prêtre, tel était le premier projet professionnel de Jean-Emmanuel Decherf. Après un bac scientifique, il se dirige vers un diplôme universitaire d’anglais. « On m’avait dit qu’il valait mieux avoir un diplôme en parallèle du parcours de prêtre et je trouvais que l’anglais pouvait être pertinent avec cette carrière qui peut demander de voyager. » Logé en foyer catholique pendant ses études, un responsable lui dira une phrase qui le marquera et initiera son changement d’orientation : « Avant d’être prêtre, il faut que tu deviennes un homme. »

Désireux de fabriquer quelque chose de ses mains, plus concret que l’anglais à ses yeux, il se forme en ébénisterie. « J’aimais le caractère artistique, l’expression personnelle, le processus de création dans lequel je voyais une dimension religieuse. J’appréciais aussi l’idée de restaurer des meubles anciens. » Originaire des Yvelines, il commence son parcours chez les Compagnons, qui l’envoient dans une entreprise à Dijon en parallèle d’une formation à Lille. Il ne restera que quelques mois au sein de cette congrégation et préfère changer de formation en rejoignant le CFA La Noue devenu depuis l’École des métiers de Dijon métropole. Il obtient son CAP d’ébéniste avant de poursuivre en alternance à Lyon avec un brevet des métiers d’art ébénisterie. Pendant ses études, il rencontre celle qui deviendra son épouse, Geneviève, et, après réflexion, renonce à la prêtrise.

Jean-Emmanuel Decherf s’engage ensuite dans un projet humanitaire au sein d’une paroisse et d’une école au Burkina Faso. « C’était important pour moi de partir à l’étranger pour vivre cette expérience. » À son retour, il enchaîne avec un BTS Développement et réalisation bois, puis un emploi en bureau d’étude pendant quelques années. Il achève son parcours en reprenant des études pour obtenir un CAP de menuisier fabricant qu’il obtient en juin 2024.

Devenir son propre patron

« J’avais envie d’être à mon compte, c’est une ambition que je porte depuis longtemps. Mon besoin de créer n’est pas compatible avec le salariat où l’on est plus dans l’exécutif. » Jean-Emmanuel Decherf a donc installé son atelier des Gordots, du nom du lieu-dit où il vit avec sa famille, sur la commune de Labussière-sur-Ouche, entre Pouilly-en-Auxois et Sombernon.

De ses mains, il fabrique des produits en bois qu’il destine aussi bien à l’hôtellerie qu’à la restauration, mais aussi aux entreprises nécessitant un stand, aux boutiques en recherche de présentoir, aux paroisses ou aux communes. À 33 ans, l’artisan entend concilier travail manuel et technologie. « Le travail en industrie a enrichi ma vision. Je peux faire de la petite série ou de l’unique.  J’intègre la dimension numérique. »

L’ébéniste – menuisier réalise également des pièces religieuses autant que des objets destinés aux passionnés. « Il peut s’agir d’un présentoir pour les fusils d’un chasseur ou d’un repose-guitare pour un musicien. » À deux pas de plusieurs sites touristiques que sont l’abbaye de La Bussière, le château de Commarin ou encore celui de Châteauneuf, il souhaite aussi séduire une clientèle de touristes. « Il y a régulièrement des Ferrari qui passent devant l’atelier, donc je prévois d’ouvrir une boutique avec des petits objets comme un échiquier qui rentrerait facilement dans le coffre des voitures » sourit-il. Et qui sait, peut-être que cette clientèle de passage s’inscrira dans la durée en commandant un meuble, une porte ou tout autre travail en bois que Jean-Emmanuel Decherf se fera une joie de livrer. Sa boutique ouvre ses portes officiellement le 2 juillet.

Nadège Hubert