Les contes ci-dessous sont extraits des Légendes du Morvan et des Légendes et mystères du Morvan que vous pouvez vous procurer sur le site www.tempsimpossible.com
Biographie
Sandra Amani est une auteure bourguignonne, demeurant à Dijon. Née à Paris, elle a grandi dans le Morvan, à la Roche en Brenil. Elle a ainsi passé son enfance en compagnie d’un grand-père qui adorait l’emmener dans les forêts et lui conter les légendes des lieux par où ils passaient, des pierres mystérieuses, des châteaux en ruines. Cette magie ne l’a jamais quittée et aujourd’hui,elle fait perdurer le souvenir de cet homme en publiant de belles histoires.
Professeur de français, elle débuta sa carrière en écrivant des romans pour la jeunesse. Le premier s’intitulait Rendez-vous avec un fantôme. C’était en 2001. Deux autres ont suivi. Puis, en 2004, elle fut contactée par les Editions de l’Escargot savant, qui lui demandèrent d’écrire des légendes du Morvan. Ce fut le début d’une longue série de publications, ayant toutes pour thème les légendes et le mystère : Légendes du Morvan, Histoires extraordinaires de châteaux en Bourgogne, Légendes du vignoble, Mystères du Nivernais (De Borée), puis les Chemins du mystère et d’autres légendes du Morvan aux éditions Temps impossibles, son éditeur actuel. Elle a également adapté certaines de ses légendes en livres pour enfants (Le Poron de l’étoile, le Poron des lutins) et scénarisé trois bandes dessinées (Légendes du Morvan, Légendes et mystères de Bourgogne et le Songe de Charlemagne, qui relate l’histoire de la basilique de Saulieu).
Ses livres sont disponibles dans toutes les librairies de Bourgogne ou sur commande.
> amani.sandra7@gmail.com
> www.tempsimpossible.com
Contes et légendes du Morvan- « Le loup de Saint-Brisson ».
Au début du XXè siècle, à Saint-Brisson, un village situé non loin du lac de Saint-Agnan, vivait Louis, un magnifique garçon. Un jour, celui-ci partit en promenade dans les bois environnants. Ses parents, affolés, le cherchèrent partout, mais en vain ! Trois jours plus tard, soulagés, ils le virent enfin revenir sain et sauf. Il faisait grand nuit.
-Enfin, te voilà, mon fils ! Viens vite nous raconter ce que tu as fait pendant ces trois jours ! J’étais morte de peur !
-Mais tu saignes ! Tu t’es fait mordre par une bête ?
Sa mère se précipita vers l’évier pour soigner promptement son bras.
-Voilà ! Dit-elle, satisfaite. A présent, nous t’écoutons, ton père et moi.
Louis leur dit qu’il était allé parcourir la contrée afin de trouver un travail dans une ferme. Située à quelques kilomètres de là, il devait à présent partir tôt le matin et rentrer tard le soir à la maison.
-Je travaillerai même le dimanche, leur dit-il.
Les parents satisfaits de voir leur fils entrer dans la vie active, le félicitèrent puis allèrent se coucher. Perplexe, Louis observait son bras. Des jours difficiles s’annonçaient à présent pour lui et lui seul le savait…
Le temps passa. Deux ans plus tard, Louis tomba amoureux de Silvia, la plus belle fille du village. Ses cheveux blonds et ses doux yeux bleus lui valaient tous les regards des jeunes hommes mais elle avait jeté son dévolu sur Louis.
-C’est un garçon sérieux et travailleur, disaient les parents de Silvia. Il fera un bon mari.
On fiança les jeunes gens un soir d’été, puis on les maria un mois plus tard, alors que la nuit tombait, Louis n’ayant pu, même à cette occasion, prendre un jour de repos.
-Tes patrons ne sont pas très aimables, avait soupiré la promise. Te faire travailler le jour de tes noces ! De plus, les commères s’étonnent de ne jamais te voir à la messe le dimanche !
Comme la mère de Louis soutenait sa future belle-fille, le jeune homme leur promit qu’il verrait comment s’arranger à l’avenir.
Mais les jours passèrent et la jeune femme dut se résigner à ne voir son époux que le soir. Il rentrait lorsque les premières étoiles s’allumaient dans le ciel. Pourtant, il la rendait si heureuse qu’elle finit par s’habituer à cette vie. Louispossédait des biens, donc l’argent ne manquait pas dans le ménage. Employée comme fille de ferme chez des voisins, les journées de Sylvia étaient bien remplies et, mis à part les dimanches qui lui semblaient bien longs, elle ne s’ennuyait jamais.
Un jour, alors qu'elle fanait dans un lieu éloigné de la ferme de ses patrons, elle vit au loin une grosse tache noire qui avançait dans sa direction. Quelques secondes plus tard, elle se rendit compte qu’il s’agissait d’un loup. Il s’arrêta à quelques pas d’elle, puis la regarda sans même une once de férocité dans les yeux. Peu farouche de nature, elle ne s’effraya pas. Son râteau à la main, elle s’approcha de l’animal :
-Va-t’en d’ici tout de suite ou je m’en vais te mettre un coup de râteau dont tu te souviendras !
Mais le loup ne bougea pas d’un pouce. Alors Sylvia, sans hésiter, brandit son « arme » et en asséna un coup gigantesque sur la tête de la bête. Celle-ci, effrayée, fit promptement demi-tour en hurlant, puis courut en direction de la forêt où elle disparut. La jeune femme, ravie, finit de faner son champ, se réjouissant en elle-même du bon coup qu’elle venait de faire au loup.
-Quand je vais raconter ça à mon Louis, il ne va pas en revenir, se dit-elle.
D’ailleurs, j’entends l’angélus qui sonne au clocher. Il est temps pour moi de rentrer faire la soupe.
Son mari arriva peu de temps après. Alors même qu’il franchissait le seuil de la maison, Sylvia se rendit compte que quelque chose n’allait pas.
-Mon chéri ! Tu n’as pas l’air dans ton assiette ce soir !
-J’ai un mal de tête terrible ! J’ai peut-être pris un coup de soleil. Il tapait dur aujourd’hui. Je sens que je vais aller me coucher tout de suite.
Le lendemain matin, Sylvia s’éveilla avant Louis, pour une fois. Le jour n’était pas encore tout à fait levé et elle se demanda si elle devait ou non l’éveiller. Le jeune homme dormait profondément.
-Tant pis. Je le laisse dormir, décida-t-elle. Le pauvre n’était vraiment pas bien hier au soir… Allez, je file.
Alors qu’elle s’éloignait de la maison, elle se souvint qu’elle avait machinalement refermé la porte à clef. Louis était donc enfermé à l’intérieur ! Elle fit donc demi-tour, puis se dépêcha d’introduire la clef dans la serrure.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir surgir devant elle le loup noir qu’elle avait assommé la veille !
Interloquée, elle demeura interdite, tandis que le loup tentait de sortir. Plus rapide que lui, elle s’empressa de refermer la porte à double tour, bien décidée à en faire son prisonnier. Elle entendit le loup tambouriner plusieurs fois à la porte, puis il cessa et tout redevint calme. Dévorée de doutes, Sylvia décida de ne pas retourner chez elle avant le soir.
Quand le soleil fut couché, la jeune femme, qui n’avait parlé de cela à personne, rentra chez elle, totalement bouleversée… Comme elle n’entendait aucun bruit, elle se dit que le loup dormait peut-être. Etrangement, elle n’éprouvait aucune aversion pour ce loup, sentant sans l’expliquer qu’il ne lui ferait jamais aucun mal.
Elle ouvrit doucement la porte… et poussa un cri quand elle vit son mari assis à la table, la tête dans les mains. Il pleurait à chaudes larmes.
-Ma douce, lui dit-il. Cela fait des mois que je te mens. Le loup noir, c’est moi ! Un jour, il y a plus de deux ans de cela, je me suis fait mordre par un loup-garou dans le bois qui jouxte nos prés.
Il lui montra la blessure au bras, cette blessure qui ne guérissait pas.
-Dorénavant, je suis condamné à être loup tous les jours, dès le lever du soleil. Chasse-moi si tu le souhaites !
-Mon pauvre Louis, répondit son épouse. Pourquoi ne m’as-tu pas dit plus tôt la vérité ? Je connais un remède qui te guérira de suite ! Donne-moi ton bras !
Sur ces mots, elle s’empara du bras et le mordit jusqu’au sang.
-Cela s’appelle la morsure de l’amour ! Tu verras comme c’est efficace !
En effet, dès le lendemain, alors que l’aube pointait son nez, Louis s’aperçut avec stupeur qu’il gardait sa forme humaine. Sylvia, satisfaite, le secoua néanmoins :
-Allez debout ! Maintenant, il va falloir chercher du travail mon Louis ! Être loup, ça ne nourrit pas un ménage… et nous serons bientôt trois ! Dit-elle en caressant son ventre.