Courrier adressé par François Rebsamen, Maire de Dijon, à Edouard Philippe, Premier Ministre, sur la réouverture des écoles et la nécessité d'atténuer le protocole sanitaire de l'éducation nationale

Monsieur le Premier Ministre,

Depuis le 11 mai, nous avons ré-ouvert nos écoles, selon le protocole sanitaire élaboré par votre administration.

Celui-ci, beaucoup trop détaillé et contraignant à nos yeux, a été élaboré sans prendre en  compte  les  remarques  des associations  d'élus,  notamment  celles  de  France urbaine. Pourtant, les maires des grandes villes étaient fondés à faire état de leurs propositions et de leurs réserves puisque nous avons, en pleine responsabilité, maintenu crèches et écoles ouvertes dès le 15 mars pour les enfants des publics dits prioritaires.

Après bientôt un mois de déconfinement, nous pouvons dresser deux constats.

Le  premier  est  que  le  retour  des  enfants  dans  nos  écoles  n'a  pas  eu  pour conséquence,  c'est heureux, d'aggraver la crise sanitaire pour eux-mêmes ou leurs proches, et ceci quel que soit le classement sanitaire du département en rouge, orange ou vert.

Le second est qu'un nombre beaucoup trop réduit d'élèves a retrouvé le chemin de l'école, et que les effectifs sont d'autant plus faibles que les écoles sont situées dans des quartiers prioritaires.

Parmi les causes, le climat de forte inquiétude, qui, par la nature et la communication alarmiste du protocole sanitaire imposé, n'a pas encouragé loin s'en faut les familles à la confiance. Nous constatons même un effet de sur-application, témoin du caractère trop théorique de ce protocole qui inquiète et freine au lieu de proposer des outils, de rassurer et de protéger.

La situation scolaire est alarmante sur le plan social, et elle devient de plus très préoccupante pour l'économie de nos territoires. Monsieur le Premier Ministre, je ne compte plus le nombre de lettres de parents d'élèves souhaitant reprendre le chemin du travail mais dont les enfants ne peuvent être accueillis à l'école. C'est, pour l'élu républicain et laïc que je suis, tout à fait insupportable. Je suis pour ma part très inquiet des effets de la décision de prendre appui pour la reprise scolaire sur le volontariat. Cela va fondamentalement  à l'encontre de la grande conquête sociale et éducative que représente l'instruction obligatoire. La situation est, de plus, paradoxale entre des écoles presque vides dans certains quartiers, souvent les moins favorisés, et d'autres pour lesquelles la stricte application du protocole fait obstacle à l'accueil des enfants.

Les  effets  conjugués  du  principe  de  volontariat  et  de  l'application  du  protocole . aboutissent  à  ce que moins de la moitié des enfants de ma commune  a retrouvé aujourd'hui le chemin de l'école, ne serait-ce que pour une journée dans la semaine.

Afin d'éviter d'entraver la reprise économique, mais surtout afin d'éviter une rupture de l'enseignement scolaire et l'amplification des inégalités sociales, et à défaut de revenir sur le principe du volontariat, il me parait impératif d'atténuer très fortement et avant la mi-juin, le caractère dissuasif du protocole sanitaire de l'éducation nationale. Je n'ai à ce stade aucune crainte pour les apprentissages strictement scolaires. Mais l'impact social, le rôle d'une école apprenante et protectrice me semble fondamental.

A ce titre, si nous nous félicitons des efforts de l'Etat pour des vacances à caractère éducatif,  nous  insistons  pour  que  celles-ci  n'aient  pas  pour  objet  principal  de compenser  scolairement  les fermetures d'établissements  au printemps, puisque ce type de séjours  ne pourra  concerner  tous les enfants, et que le fait de ne pas y participer risquerait d'accroitre plus encore les inégalités.

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