Les maires sous pression budgétaire face à un état centralisateur

06 janvier 2025

En novembre dernier, le centre de recherches politiques de Sciences Po et son observatoire de la démocratie de proximité ont rendu public une enquête au cours de laquelle les maires de France ont été sollicités. L’objectif est notamment d’appréhender leurs difficultés mais aussi de comprendre l’évolution de la représentation politique au niveau local.

« De nouveau, le rapport de force s’est installé entre l’État et les collectivités locales sur fond d’incompréhension et de désaccords sur l’utilité sociale des dépenses publiques locales. Ce n’est pas la première fois que l’Exécutif demande une cure d’austérité aux collectivités locales » introduit Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po et chercheur au CEVIPOF dans une étude publiée en novembre 2024. L’analyse intitulée synthèse Les maires sous pression budgétaire face à un État centralisateur met en avant des relations dégradées en raison d’un manque de considération des maires par l’État et ses services. En effet, 45 % des maires déclarent aujourd’hui ne pas recueillir de reconnaissance de la part de l’Etat et de ses services contre 28 % en 2020. L’étude fait en effet ressortir le sentiment des élus d’être infantilisés voire même de vivre une relation injurieuse tant le gouvernement d’Emmanuel Macron a souhaité établir une relation plus directe avec la population, « quitte à contourner les corps intermédiaires, dont les collectivités locales. » Heureusement, les maires interrogés estiment à une majorité (62 %) qu’ils peuvent compter sur la reconnaissance de leurs citoyens pour les actions qu’ils conduisent, même si ces derniers semblent avoir des exigences de plus en plus élevées.

Un Etat de plus en plus présent

Ces tensions entre les élus locaux et l’Etat entrainent un effritement de la confiance même si les préfectures et sous-préfectures semblent moins touchées par cette perte de confiance. « Depuis 2020, le déficit de confiance à l’endroit de l’État s’est creusé en moyenne de 10 points de pourcentage. Les maires des plus petites communes (- 500 habitants) sont les plus sévères dans leur jugement de l’État (- 13 points de pourcentage) » précise l’étude, quel que soit le profil des maires en termes d’expérience ou de parcours au sein de la fonction publique.

Concrètement, la présence de l’Etat dans le quotidien des élus se traduit notamment par la norme, les schémas et le pilotage de la coordination entre acteurs. L’État assure ainsi un contrôle direct ou par délégation. « Le coût de l’enchevêtrement des structures est estimé à 4,8 milliards d’euros (dont 1,1 milliards pour l’école primaire, 0,8 milliard pour l’urbanisme et 0,5 milliard pour la voirie). »

Des choix de gestion

Alors que l’Etat a annoncé sa volonté de voir les dépenses publiques réduire de façon drastique avec une baisse de 40 milliards d’euros des dépenses et une hausse des recettes à hauteur de 20 milliards, les collectivités territoriales doivent participer à l’effort entre 5 et 11 milliards d’euros, selon le point de vue de l’Etat ou celui de l’AMF ; soit un effort demandé aux communes avoisinant les 150€ par habitant.

Dans son analyse, Martial Foucault fait un rappel sur ce que représente ces dépenses publiques. « En 2023, les dépenses publiques locales (325 milliards d’euros) représentaient près de 20 % de l’ensemble des dépenses publiques. Parmi elles, les dépenses publiques d’investissement des collectivités locales assuraient 60 % de l’investissement total public en France. » Une baisse des budgets impactera fortement les investissements réalisés aussi bien dans les écoles, les transports que la voirie ou l’environnement sans manquer de peser sur la croissance économique. Les choix des élus vont donc s’avérer complexes. Que faut-il repousser ou suspendre ? Les travaux dans l’école du village pour améliorer le confort des élèves ou changer le système d’éclairage publique pour réduire l’empreinte carbone et le budget de la commune ? « Sur un temps plus long, on s’aperçoit que la gestion publique locale au cours des quarante dernières années s’est révélée plus rigoureuse que celle de l’État ou des administrations de sécurité sociale » rappelle l’analyse centre de recherches politiques de Sciences Po et de compléter : « Entre 1981 et 2023, le déficit public moyen des collectivités locales est 10 fois moindre que celui de l’Etat. »

Du côté des recettes, l’étude souligne que bien que la France reste le pays présentant le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe (57%), il est aussi celui dont l’autonomie fiscale centrale est la plus forte. « Les collectivités locales ont peu d’autonomie pour lever l’impôt. La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a renforcé le contrôle financier exercé par l’État sur les municipalités, dont les ressources dépendent désormais principalement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou de la fiscalité transférée (en produits de TVA). L’autonomie fiscale des communes n’a cessé de reculer. »

Le prix de l’engagement municipal

L’étude évoque enfin le statut de l’élu et sa revalorisation. « Près d’un maire sur deux (48 %) juge le montant de l’indemnité perçue comme insuffisante (contre 25 % en 2020). » L’auteur insiste sur l’engagement des maires qui n’est pas motivé par l’enrichissement personnel même si une revalorisation de l’indemnité municipal pourrait être considérée par les citoyens comme « un privilège accordé à des élus qu’ils ne tarderaient pas à qualifier de professionnels de la politique locale. Or, c’est précisément parce que les maires sont moins perçus comme des professionnels de la politique et facilement accessibles qu’ils bénéficient d’un niveau élevé de confiance (en moyenne 65 % depuis 10 ans). » D’ailleurs, 50 % des maires exercent une activité professionnelle en parallèle. Leur engagement revêt même des effets négatifs puisque les enquêtes de l’observatoire révèlent que 35 % des maires déclarent en 2023 que leur mandat a eu des effets négatifs sur leur vie personnelle.

Nadège Hubert

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