Réunis à Carcassonne les 1er et 2 juillet à l’invitation d’André Viola (FR/PES) et le Conseil départemental de l’Aude, les élus locaux et régionaux des trois rives de la Méditerranée ont appelé l’Union pour la Méditerranée et les institutions européennes à faire de l’eau une priorité stratégique absolue et à soutenir les collectivités locales dans la transition énergétique. Les deux projets de rapports ont été discutés lors de la réunion de Commission du développement territorial durable de l'Assemblée régionale et locale euro-méditerranéenne (ARLEM) aujourd'hui, avant une adoption en plénière à l'automne.
Face à la crise majeure de l'eau qui touche très durement le bassin méditerranéen, le rapport rédigé par Taleb Abderrahmane El Mahjoub, maire de Tevragh Zeina en Mauritanie, plaide pour une véritable stratégie ambitieuse et globale pour avancer dans la transition vers une société intelligente dans ses usages de l’eau. Pour cela, l'Union européenne, l'Union pour la Méditerranée et leurs États-membres doivent adopter une approche de long terme intégrée et multiniveau, associant l’ensemble des parties prenantes, y compris les pouvoirs publics locaux et régionaux, les associations et les différents usagers de l’eau (citoyens, agriculteurs, industries). Elle doit couvrir l’ensemble des dimensions liées à la gestion et du cycle de l’eau et permettre ainsi de prévenir des potentiels conflits.
L'ARLEM souligne le rôle clé des collectivités locales dans la gestion d'eau et la nécessité de leur donner les moyens d’agir en les associant aux décisions concernant l’eau, en les soutenant sur le plan financier et en renforçant leur capacité technique. Il est nécessaire de promouvoir la coopération entre collectivités locales et régionales de toute la région méditerranéenne et de développer la recherche et l'innovation en matière de l'eau. Selon le projet de rapport, la réintroduction de certaines pratiques traditionnelles et des cultures adaptées aux conditions climatiques et géographiques locales pourrait également favoriser la gestion durable de l'eau.
Les recommandations de l'ARLEM font suite à l'appel récent du Comité européen des Régions à la prochaine Commission européenne de présenter un 'Pacte bleu' européen – une ambitieuse stratégie pour intégrer les objectifs liés à l’eau dans toutes les politiques sectorielles de l’Union. L'avis rédigé par André Viola (FR/PSE), membre du Conseil départemental de l'Aude, a été adopté dans la session plénière le 20 juin.
À Carcassonne, l'ARLEM a également mis en avant le besoin d'accompagner les régions et villes méditerranéennes dans la transition énergétique. Soulignant que la sécurité énergétique est devenue un défi majeur, le rapport présenté par Franck Proust (FR/PPE), président de la métropole de Nîmes, appelle à réévaluer les stratégies de développement énergétique futures dans une région où la domination des combustibles fossiles reste une constante, selon une nouvelle étude de l'ARLEM.
Pour accélérer la transition énergétique verte, l'ARLEM appelle à développer les réseaux énergétiques intelligents et flexibles, permettant de connecter de nombreuses sources d’énergie renouvelables décentralisées et de répondre à des productions et demandes fluctuantes, et favorisant le partage et l’échange d’énergie locale entre les usagers. Le projet de rapport demande de définir des objectifs clairs et partagés à long terme et de créer un cadre réglementaire harmonisé qui encourage la collaboration entre les collectivités locales et régionales des pays euro-méditerranéens. Il souligne le besoin de développer les appuis techniques et administratifs, de créer des fonds communs pour soutenir les projets de transition énergétique, et d'établir des mécanismes de suivi et d’évaluation réguliers.
Citations :
Taleb Abderrahmane El Mahjoub, maire de Tevragh Zeina, en Mauritanie, et rapporteur du rapport de l’ARLEM sur le thème «Renforcer la résilience de l’eau: le rôle des villes et régions méditerranéennes»: « Faire de l’eau une priorité absolue est vital dans l’ensemble du bassin méditerranéen, qui est l’une des régions du monde où le stress hydrique est le plus intense. Les collectivités locales contribuent activement à renforcer la résilience dans le domaine de l’eau, mais il faut les associer aux décisions et il leur faut obtenir le soutien des gouvernements nationaux et d’autres instances. Les villes méditerranéennes disposent d’une expérience et de pratiques traditionnelles qu’elles peuvent faire connaître à leurs partenaires. »
André Viola (FR/PSE), membre du Conseil départemental de l’Aude et rapporteur de l’avis du CdR sur le thème «Vers une gestion résiliente de l’eau pour lutter contre la crise climatique dans le cadre d’un pacte bleu pour l’Europe» : « Le changement climatique aggrave les inondations et les sécheresses, il dégrade la qualité de l’eau et met ainsi de plus en plus en danger la santé des personnes et leur cadre de vie. Protéger les vies humaines contre ses incidences majeures requiert des mesures immédiates et résolues. Pour assurer notre bien-être à l’avenir, tous les échelons des pouvoirs publics doivent mieux coordonner les différents secteurs. Les dirigeants locaux et régionaux peuvent guider cette démarche en mettant en place des solutions concrètes et résilientes et en inspirant d’autres. »
Franck Proust (FR/PPE), président de la métropole de Nîmes et rapporteur du rapport de l'ARLEM sur le thème «Le rôle des autorités locales et régionales dans l’accompagnement de la transition énergétique, à travers notamment des partenariats»: « L'avenir de la transition énergétique dépend fortement de notre capacité à coopérer et à innover ensemble. Les collectivités locales et régionales ont un rôle majeur à jouer dans ce processus, en mettant en œuvre des solutions adaptées à leurs spécificités tout en s'inspirant des meilleures pratiques et en travaillant main dans la main avec leurs partenaires régionaux et internationaux. C'est par cette synergie que nous pourrons atteindre nos objectifs de durabilité et de résilience énergétique. »
Informations complémentaires:
Le sud de la Méditerranée, en particulier la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, abrite 15 des 20 pays les plus pauvres en eau au monde. 180 millions de personnes y souffrent déjà de pénurie d’eau et ce chiffre devrait atteindre plus de 250 millions d’ici 2050, en raison du changement climatique. Une nouvelle étude réalisée pour l’ARLEM illustre le rôle que peuvent jouer les collectivités locales notamment en matière de création d’infrastructure et de gestion intelligente des ressources en eau à travers deux études de cas au Maroc et en Turquie. Après la réunion de l’ARLEM, le thème a été abordé dans une conférence intitulée «Eau, Europe et collectivités résilientes — Vers une stratégie européenne pour l’eau: une gestion de l’eau à plusieurs niveaux pour lutter contre la crise climatique», organisée dans le cadre de la Semaine verte européenne.
À Carcassonne, les membres de l'ARLEM ont également mis l'accent sur la nécessité d'approfondir la coopération euro-méditerranéenne en matière deprotection civile, donnant une suite concrète au rapport adopté l'an dernier par l'ARLEM sur ce sujet. Les membres ont échangé meilleures pratiques et opportunités de coopération lors d'un atelier organisé avec le soutien de l'Union pour la Méditerranée et la Commission européenne et ont approuvé une feuille de route pour l'ARLEM sur la protection civile 2024-2026 afin de guider leurs travaux futurs.
Enfin, les membres de l'ARLEM ont échangé leurs expériences sur la coopération interculturelle et le dialogue interculturel, rendu d'autant plus essentiel en ces temps troublés, à travers notamment l'initiative des Capitales Méditerranéennes de la culture et du Dialogue (CMCD) à laquelle l'ARLEM participe activement. Des membres ont notamment pu partager leur expérience acquise au sein des capitales européennes ou africaines de la culture, aux lauréats de la première édition des CMCD, les villes de Tirana et Alexandria.