Cadre législatif instable et complexe, situation politique nationale inédite et inquiétante, efforts financiers toujours plus lourds, manque de considération… Les élus locaux font face à de nombreux obstacles pour assurer leurs missions. Lors du dernier salon des maires, Ludovic Rochette et Martial Foucault ont dressé un état des lieux et présenté des pistes de solution pour redonner le pouvoir aux maires.
« Il y a une grande complexité dans l’empêchement » affirme Martial Foucault, professeur à Sciences Po Paris. En effet aujourd’hui, les maires sont sans cesse confrontés à des difficultés qui entravent leur capacité d’agir. A commencer par leur relation avec l’Etat. Selon Martial Foucault, « on a beaucoup idéalisé la relation maire-préfet, alors qu’elle est empreinte de déconsidération pour l’action des maires ». Une situation selon lui d’autant plus inquiétante que les maires bénéficient en revanche de la reconnaissance des citoyens, même si des tensions existent. Le préfet aurait donc un rôle essentiel à jouer dans le rétablissement de la relation : « il lui appartient d’exercer pleinement ce rôle ou pas, de construire une relation inter-personnelle permanente ou pas, de donner des instructions à ses sous préfectures ou pas. En revanche, et je crois que c’est un problème, il ne lui appartient pas de rester plus de 3 ans dans un département ». Plus globalement réfléchir à une nouvelle organisation du territoire et du rôle de chacun apparait comme un premier moyen de redonner du pouvoir aux maires.
Se libérer des règles sclérosantes
Martial Foucault explique que « depuis 2009, date de mise en application des normes applicables aux collectivités territoriales, 4 416 nouvelles normes nationales ont été élaborées, soit près de 300 textes nouveaux chaque année ». Une charge législative qui ralentit toute volonté d’entreprendre voire la rend impossible. Pour Ludovic Rochette, président de AMF21, la réussite de récents projets nationaux comme les Jeux Olympiques, la reconstruction de Notre-Dame a été possible grâce à la libération de certaines contraintes. « Cela doit nous interroger sur les freins qui nous entourent et qui entravent notre capacité d’agir. Nous avons besoin de nous libérer de ces règles sclérosantes, pour rassurer les entreprises qui ont envie de travailler pour nous, et nous de travailler pour nos concitoyens ».
Redonner du pouvoir financier
Si les collectivités - récemment pointées du doigt comme étant responsables de l’état des finances publiques du pays par Bruno Lemaire, ex-ministre démissionnaire de l’économie et des finances - doivent contribuer à l’effort financier de 5 milliards d’euros demandé par l’Etat, elles disposent de peu de moyens pour générer des recettes notamment depuis la suppression de la taxe d’habitation. « Les ressources financières dépendent principalement des transferts de l’Etat, on fait de la centralisation financière dans la décentralisation » explique Martial Foucault. Il explique qu’une autre manière de redonner du pouvoir au maire passe par un retour du pouvoir d’imposition, pour que la collectivité puisse répondre efficacement aux besoins propres de son territoire.
Raviver l’envie des élus de s’engager
Le cadre national n’est pas le seul à mettre des bâtons dans les roues des élus. Augmentation des violences physiques à leur encontre, du cyber-harcèlement, vives tensions au sein même de l’équipe municipale, manque d’équilibre entre la vie professionnelle (60% assurent leur mandat en plus de leur activité professionnelle principale), la vie personnelle et la vie de maire… Le moral est en berne, le nombre de démissions ne cesse de croitre. Pourtant, à 18 mois des prochaines élections municipales de 2026, Ludovic Rochette insiste : « nous avons besoin d’élus engagés et investis, qui prennent plaisir dans l’exercice de leur mandat malgré les difficultés ». Il rappelle que les maires en difficulté peuvent trouver du soutien auprès de l’AMF21. D’autres pistes d’amélioration ont aussi été évoquées dans l’audience : Anne-Catherine Loisier, sénatrice de Côte-d’Or, invite par exemple à réintroduire plus d’accompagnement des maires, qui font partie « d’une grande famille d’élus », par des élus relais.
Déborah Vital